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la peinture se détache des murailles, et se renferme dans des cadres plus étroits, qui peuvent être déplacés.

La découverte des peintures en émail a ouvert une veine heureuse dans les fouilles de Ninive. En effet, à l’une des extrémités de ce mur couvert de briques peintes, on a trouvé une statue admirablement conservée et qui représente un personnage tenant une bouteille entre ses mains. Cette statue, la première que l’on ait encore rencontrée dans les fouilles assyriennes, a quatre pieds et demi de bailleur ; elle est du même marbre gypseux que les bas-reliefs des salles. Comme le mur en briques émaillées appartient à un couloir qui parait conduire à une vaste salle, M. Place espère rencontrer à l’autre extrémité de ce couloir le pendant de cette statue. Dès à présent il y a lieu d’espérer qu’on nous restituera dans son ensemble et dans chacun de ses détails le monument de Khorsabad, regardé à juste titre comme le vrai type du palais assyrien. Ce seul résultat des travaux de l’exploration française depuis 1852 aurait déjà une véritable importance ; mais les découvertes, comme nous l’avons vu, ne se sont pas limitées à l’enceinte de ce palais, et les recherches ont porté sur un grand nombre de localités dont l’étude plus complète ne peut manquer de combler bien des lacunes au double point de vue de l’histoire et de l’art.

Quoi qu’il en soit, grâce à M. Layard d’une part et de l’autre à MM. Botta et Place, la parfaite connaissance de deux époques, sinon extrêmes, du moins fort éloignées, est aujourd’hui acquise à la science. Le palais de Nimroud, si soigneusement exploré par M. Layard, date en effet de la première année du règne d’Adala, c’est-à-dire de l’an 1200 avant Jésus-Christ, et a par conséquent été construit il y a trente siècles, tandis que le palais de Khorsabad n’était pas encore complètement achevé en l’an 667, dernière année du règne de Sargon, l’avant-dernier roi d’Assyrie, c’est-à-dire 533 ans plus tard. On peut dès à présent comparer les monumens de l’art assyrien à près de six siècles d’intervalle. S’ils ne présentent pas de différences essentielles, nous reconnaîtrons toutefois que cette comparaison est tout à l’avantage des monumens de Nimroud, dont la date est la plus ancienne, et qui offrent un degré d’achèvement et une délicatesse d’exécution qu’on ne rencontre pas toujours dans les sculptures du palais de Khorsabad. L’art assyrien, qui brillait d’un si vif éclat il y a trente siècles, avait dû traverser déjà une longue suite d’années. Espérons que l’exploration que M. Place se propose de faire des monticules encore vierges nous donnera de nouvelles et précieuses lumières sur ces premières époques et sur les origines d’un art qui pour nous est tout nouveau, bien qu’il date de quatre mille ans.


F. MERCEY.