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dans le système pénitentiaire de Philadelphie. La mortalité, selon lui, flotte de 2 à 4 pour 100. C’est le chiffre que donnent les rapports officiels[1]. Pour la folie, son témoignage diffère de ces rapports, dont les auteurs me semblent se faire illusion en soutenant que le système n’est point responsable du dérangement mental des prisonniers, lorsqu’il provient de causes que favorise ce système. La folie est beaucoup plus fréquente parmi les noirs. Quand elle se déclare chez les prisonniers, ou quand leur santé décline visiblement, on les associe à d’autres : sage mesure, mais qui montre que la solitude peut être funeste à la raison et à la santé. Un tiers des détenus est composé de gens de couleur, un dixième d’Irlandais et un dixième d’Allemands.

Un problème grave partout et principalement en Amérique, où le côté économique des questions peut moins être négligé qu’ailleurs, c’est le produit du travail des prisonniers. Sur ce point, l’opinion d’un ancien directeur, M. Wood, me parait très sage. Il n’est pas nécessaire qu’une prison soit une source de revenu pour l’état ; mais il est désirable que le travail des détenus indemnise la société de ce qu’ils lui coûtent, et on parait être arrivé ici à ce résultat, puisque, sinon dans toutes les années, du moins dans plusieurs, le produit du travail a couvert les dépenses, c’est tout ce que l’on doit exiger, et on ne peut affirmer que le système d’Auburn soit meilleur, parce que, dans des circonstances plus favorables au travail, les prisons du nord de l’Angleterre, organisées d’après ce système, rapportent davantage à l’état et sont pour lui la source de véritables bénéfices. Comme le dit très bien M. Wood, ce n’est pas là une affaire de dollars, c’est une affaire d’humanité. Le danger de faire concurrence par le travail des prisonniers au travail libre est aussi une difficulté dont il est naturel de se préoccuper. En général on évite le plus possible cette concurrence. Ainsi l’on fait fabriquer aux détenus de gros souliers qui vont dans le sud, et que ne fabriqueraient pas volontiers les cordonniers de Philadelphie. Ceux-ci ont crié cependant, mais ne crient plus.

Nulle part ne se montre mieux l’activité que l’esprit public imprime en Amérique au progrès des institutions que dans l’organisation et le développement des écoles publiques. Les législatures des différens états sont sans cesse stimulées à cet égard par le zèle des particuliers. L’intervention des associations privées, si énergique en ce qui concerne les prisons, ne l’est pas moins en ce qui touche aux

  1. Le chiffre moyen de la mortalité annuelle déduit des neuf années ci-dessus donne une moyenne générale de 3 pour 100. C’est après tout une mortalité très faillie pour une prison. — Document officiels traduits par M. Moreau-Christophe, p. 54.