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était pleine d’allusions à son procès, il ajoute à la suite de son dernier mémoire une note où, après avoir annoncé au public la prohibition du Barbier de Séville, il dément toutes les allusions qu’on lui prête et termine ainsi :


« Je supplie la cour de vouloir bien ordonner que le manuscrit de ma pièce, telle qu’elle a été consignée au dépôt de la police il y a plus d’un an, et telle qu’on allait la jouer, lui soit représenté, me soumettant à toute la rigueur des ordonnances, si, dans la contexture ou dans le style de l’ouvrage, il se trouve rien qui ait le plus léger rapport au malheureux procès que M. Goëzman m’a suscité, et qui soit contraire au profond respect dont je fais profession pour le parlement.

« Caron de Beaumarchais. »


Le fait est qu’à cette époque la comédie du Barbier, composée avant le procès Goëzman, était complètement sevrée d’allusions à ce procès, et très différente sous plusieurs autres rapports du texte définitif. Quoiqu’elle n’eût sous cette première forme qu’un caractère simplement gai et n’offrît aucune généralité satirique, elle porta la peine de la réputation qu’on lui faisait d’avance, et Beaumarchais ne put obtenir qu’elle fût jouée. Bientôt les différentes missions dont nous avons parlé le conduisirent en Angleterre et en Allemagne, et il dut laisser de côté pour un temps sa comédie. Cependant il ne l’oubliait pas ; les obstacles mêmes qu’elle rencontrait pour se produire le rendaient comme toujours plus obstiné à les surmonter. À son retour de Vienne, en décembre 1774, après cette captivité d’un mois qui lui donnait quelque droit à un dédommagement, il insista plus que jamais auprès de l’autorité pour la représentation de sa pièce. Les circonstances étaient favorables : le parlement Maupeou était mort depuis un mois, Louis XV n’existait plus ; le manuscrit que présentait Beaumarchais était fort inoffensif ; il obtint enfin la permission de faire jouer le Barbier. Seulement, entre la permission obtenue et la représentation, il se mit à l’aise : on avait prohibé cette comédie pour cause de prétendues allusions qui n’y étaient pas, il se dédommagea de cette injuste prohibition en y insérant précisément toutes les allusions que l’autorité avait craint d’y trouver et qui n’y étaient pas. Il la renforça d’un grand nombre de généralités satiriques, d’une foule de quolibets plus ou moins audacieux. Il y ajouta beaucoup de longueurs, il l’augmenta d’un acte, il la surchargea enfin si complètement, qu’elle tomba à plat le jour de la première représentation.

Avant d’avoir pu comparer au manuscrit de la Comédie-Française le manuscrit du Barbier en cinq actes que j’ai entre les mains, et qui a servi à la première représentation, je croyais, comme on le croit généralement d’après la préface imprimée du Barbier, que cette pièce