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gagner un des bâtimens qui survécurent au désastre général. Les îles basses et à demi noyées qui encombrent le lit du fleuve à son embouchure étaient couvertes de fuyards, auxquels les soldats cochinchinois et les matelots anglais ne firent aucun quartier. Plus de quinze cents pirates périrent à bord des jonques ou furent massacrés après l’action. Quinze cents prisonniers furent en outre recueillis le second jour par les soins du capitaine Hay, et remis à la disposition du mandarin de Haï-nan.

Le 23 octobre, remorquant à la fois le Columbine et le Phlegethon, le Fury sortit de la rivière, et fit route pour le port de Hoi-how, où la division mouilla dans la soirée du 24. Le 26, le major Houang, accompagné par les capitaines et les officiers des navires anglais, débarqua au milieu d’un immense concours de peuple accouru sur la plage, et fut conduit triomphalement jusqu’à sa demeure au bruit retentissant des gongs. Le capitaine Hay comprenait trop bien l’anxiété que son absence prolongée devait causer à Hong-kong pour céder aux sollicitations du gouverneur-général chinois, qui s’efforçait de le retenir quelques jours à Hoi-How. Le 28 octobre, il quitta ce port, et vint mouiller près des bancs du canal des jonques ; mais il ne put franchir ces hauts-fonds que le 30 au soir. Le vent, très violent les jours précédens, avait cessé de souffler avec force depuis le matin ; la mer, que cette tempête avait soulevée, était très grosse encore. Il fallut se confier aux pilotes de Now-chow, et suivre, au milieu des brisans, un chenal où la profondeur de l’eau n’excéda pas quelquefois dix-sept pieds. Ce fut l’épisode le plus critique de l’expédition. À quatre heures du soir enfin, on avait gagné la pleine mer. Le 1er novembre le Fury elle Columbine, suivis de près par le Phlegethon, jetaient l’ancre sur la rade qu’ils avaient quittée depuis le 8 octobre.

Les détails de cette expédition causèrent à Macao presque autant de joie qu’à Hong-kong. On y vit non-seulement un gage de sécurité contre les nouveaux périls qu’on avait appréhendés, mais on se flatta aussi que ce grand succès des armes britanniques allait rendre aux Européens la considération qu’ils semblaient avoir perdue. Il n’en fut rien : le vieux Séou, pour contempler avec un sang-froid imperturbable le déploiement de forces par lequel les Anglais avaient cherché à l’intimider, avait moins puisé son courage dans un ignorant mépris de la puissance de ses adversaires que dans une juste appréciation des graves intérêts qui devaient leur en interdire l’usage. Les succès du Fury et du Columbine ne pouvaient donc avoir sur les complications à venir toute l’influence que déjà l’opinion publique se plaisait à leur attribuer. M. Bonham ne se refusa point toutefois le plaisir d’annoncer au vice-roi, avec une certaine emphase, les résultats qu’il venait d’obtenir. À ce bulletin pompeux, le vice-roi répondit