Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 2.djvu/536

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

autorités de Now-chow confirmèrent le capitaine Hay dans son projet de visiter la côte septentrionale de la grande île de Haï-nan, et l’engagèrent à pénétrer dans le golfe de Tong-king par le canal qui sépare cette île de la côte de Chine. Ce canal, fréquenté par des jonques dont le tirant d’eau diffère peu de celui du Fury et du Columbine, avait cependant été considéré jusqu’alors comme impraticable pour les navires européens ; on trouva heureusement d’excellens pilotes à Now-chow, et la division anglaise, à laquelle M. Caldwell servait d’interprète, franchit sans difficulté ce dangereux passage. Le 13 octobre, à cinq heures du soir, elle mouilla sur la côte de Hoï-nan, à l’entrée du port de Hoi-how. Il n’y a que six milles de Hoi-how à la ville de Ching-king-fou, résidence du gouverneur-général de Haï-nan, Sur les instances des mandarins de Hoi-how, le capitaine Hay consentit à se rendre avec une partie des états-majors anglais auprès du gouverneur-général. La plus grande cordialité ne cessa de présider à cette entrevue, et il fut arrêté qu’un mandarin chinois d’un rang élevé, le major-général Houang, décoré du bouton bleu, monterait à bord du Fury et accompagnerait l’expédition avec huit jonques de guerre. Houang s’était déjà mesuré avec Shap-ng-tsai, et avait été blessé en repoussant une attaque dirigée par ce pirate contre la flotte et le port de Hoi-how. Sa présence à bord du Fury fut d’une grande utilité au capitaine Hay, qui ne dut qu’à l’activité de cet auxiliaire et à l’intelligence du précieux interprète qu’il avait amené de Hong-kong, M. Caldwell, le succès qui finit par couronner sa longue et persévérante poursuite.

En quittant l’île de Haï-nan, l’expédition fit route au nord nord-ouest, reconnut les îles de Guei-shew, et s’enfonça dans le golfe de Tong-king. Serrant toujours de très près la terre, elle contourna le golfe jusqu’au groupe de Goo-too-shan, et finit par se lancer hardiment au milieu du dédale d’îles qui bordent cette partie de la côte de Cochinchine. Depuis qu’il était entré dans le golfe de Tong-king, Shap-ng-tsai avait marqué son passage par d’horribles dévastations. Les habitans des villages qu’il avait saccagés reçurent les Anglais comme des libérateurs. Ils racontaient ce qu’ils avaient souffert, — leurs femmes et leurs enfans emmenés en esclavage, leurs maisons pillées ou détruites, leurs champs dévastés par l’incendie, — et s’empressaient de fournir des pilotes pour conduire l’expédition dans le labyrinthe où elle se trouvait engagée. Ce fut dans les villages de Pak-hoy et Suechun, dont les débris fumaient encore, que l’on reçut les informations les plus précises. Les navires anglais atteignirent ainsi l’embouchure de la rivière de Tong-king, et le 20 octobre, au point du jour, la flotte de Shap-ng-tsai montra, au-dessus d’une longue pointe basse, son épaisse forêt de mâts. Cette flotte avait remonté