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longtemps consommé, et cependant aucun d’eux n’avait reparu à Hong-kong. Le gros temps qui avait régné depuis le départ de ces bâtimens ajoutait encore à l’anxiété générale. Déjà les bruits les plus sinistres, répandus à dessein par les Chinois, commençaient à circuler à Canton. L’amiral Collier, dont la santé exigeait les plus grands ménagemens, ne put supporter cette pénible anxiété : le 28 octobre, il fut frappé d’une attaque d’apoplexie à laquelle il ne survécut que quelques heures. Le 1er novembre pourtant, le Fury mouillait en rade de Hong-kong. Engagée dans des passages peu connus, l’expédition avait couru quelques dangers ; mais le succès était digne des risques qu’il avait fallu affronter pour l’obtenir. Des soixante-quatre jonques dont se composait la flotte de Shap-ng-tsai, cinquante-huit avaient été brûlées ou coulées à fond ; les navires anglais n’avaient pas un seul blessé. Le mérite de cette expédition, qui fit le plus grand honneur aux officiers qui la dirigèrent, était tout entier dans l’audace et la persévérance de la poursuite. C’était la première fois que des navires de guerre européens se montraient sur ces côtes, dont on possédait à peine une grossière esquisse, basée sur des renseignemens aussi incomplets qu’incorrects.

Le 8 octobre, à sept heures du matin, la flottille anglaise avait appareillé sous les ordres du capitaine Hay, commandant du brick le Columbine, et sous la direction de M. Caldwell, chef de la police indigène à Hong-kong. À peine hors de la rade, le Phlegethon, dont on voulait ménager le combustible, fut pris à la remorque par le Fury. Le 9 octobre, on mouillait sous l’île San-cian, et M. Caldwell apprenait d’un bateau pêcheur que les pirates avaient quitté ces parages depuis quinze jours et avaient fait route vers l’ouest. Le soir même, la division, serrant de près le continent chinois, vint jeter l’ancre à l’abri d’une autre île, l’île de Mung-chow. On trouva au mouillage une jonque de commerce que les pirates avaient récemment pillée, et de laquelle on obtint de nouveaux renseignemens sur les forces de Shap-ng-tsai et sur la route que son escadre avait prise. Les mandarins de Mami et ceux de Tien-park, constamment exposés aux visites de ces malfaiteurs, intéressés par conséquent à connaître leurs projets, ajoutèrent à ces renseignemens des informations plus précises ; ce fut d’eux qu’on apprit que Shap-ng-tsai avait été rallié par un autre chef nommé Pa-tow, et qu’il avait manifesté l’intention de se porter dans le golfe de Tong-king pour déjouer les poursuites des navires de guerre anglais. Le 11 octobre, on mouilla à l’extrémité nord-ouest de l’île de Now-chow, devant une ville assez considérable. Il y avait un mois à peine que cette ville avait été saccagée et rançonnée par Shap-ng-tsai, qui en avait détruit les deux forts, dont les canons lui avaient fourni l’armement de nouvelles jonques. Les