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Telle était, vers la fin du mois de novembre 1849, la situation respective des parties intéressées dans le grave débat soulevé par la mort d’Amaral : le vice-roi Séou n’osait point attaquer les Portugais, couverts par la protection de trois pavillons étrangers. Il ne se résignait pas non plus à les désarmer par une satisfaction complète. Le conseil de Macao, satisfait d’avoir réservé les droits de la couronne, attendait, dans une attitude à la fois digne et ferme, les ordres et les secours qu’il avait demandés à Lisbonne. Convaincu de l’impossibilité d’obtenir du vice-roi de Canton une réparation sérieuse du meurtre du gouverneur, il avait mis un terme à des négociations stériles. La tête et la main du malheureux Amaral, après avoir été exposées pendant plusieurs jours au tribunal de Caza-Branca, retournèrent donc à Canton, et le public, dont l’attention ne tarda point à être détournée par d’autres événemens, eut bientôt presque oublié l’intérêt qu’il avait accordé à ce triste litige.


IV

Les Anglais ne pouvaient rester indifférens aux conséquences que le conflit provoqué par la mort d’Amaral pouvait entraîner pour leur propre considération en Chine. Il leur importait d’imposer de nouveau à la population chinoise le respect des armes européennes. Par un heureux hasard, les événemens de Macao coïncidèrent avec une brillante expédition dirigée par la marine anglaise contre les pirates qui infestent les mers de la Chine.

De tout temps, la piraterie s’est exercée avec impunité sur les côtes du Céleste Empire. Elle y a souvent pris des proportions formidables. Ce fut un chef de pirates qui tenta, au XVIe siècle, la conquête de Luçon ; un autre chef de pirates, quatre-vingt-six ans plus tard, enleva l’île de Formose aux Hollandais. En 1808, un mandarin disgracié avait réuni soixante-dix mille hommes et huit cents jonques sous ses ordres. C’est en gagnant quelques-uns de ces chefs de bandes, en les opposant adroitement les uns aux autres, que les autorités chinoises parvenaient à combattre les progrès d’un mal devenu incurable, et suppléaient à l’insuffisance de leurs ressources militaires. Le commerce et les habitans du littoral subissaient d’ailleurs avec une complète résignation les exactions de ces malfaiteurs ; ils achetaient par de fortes rançons une sécurité précaire, et plus d’un honnête commerçant était soupçonné de verser annuellement une prime d’assurance entre les mains des ennemis déclarés de l’empereur. Dans le nord de la Chine, cependant, le commerce du Che-kiang et du Leau-tong avait trouvé plus avantageux d’acheter la protection de quelques lorchas portugaises, chaloupes canonnières construites sur