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les ordres du Commodore Geisinger, le Plymouth et le Dolphin, étaient venus, deux jours après le meurtre du gouverneur, prêter l’appui moral de leur pavillon à l’établissement portugais. La Bayonnaise n’avait point tardé à se joindre à cette division, mouillée à deux milles environ de la côte. Ce déploiement de forces était déjà un avertissement menaçant pour les Chinois. Il avait été précédé d’une démarche plus importante encore. Pendant que le gouverneur de Hong-kong adressait au vice-roi une lettre dans laquelle les ménagemens toujours commandés à la diplomatie n’avaient pu étouffer complètement le cri d’une juste indignation, les représentans de la France, de l’Espagne et des États-Unis s’entendaient pour faire parvenir à Canton une note collective, témoignage non moins énergique de l’horreur que leur inspirait l’odieux attentat commis sur la personne du gouverneur de Macao. Trompé par la malencontreuse collision qui avait eu lieu deux mois auparavant entre les Anglais et la garnison portugaise, attachant, comme tous les Chinois, une ridicule importance aux bruits de guerre que chaque courrier apportait alors de l’Europe et croyant les barbares à la veille de rallumer leurs antiques querelles, le vice-roi n’avait pas prévu cette réprobation unanime. Un pareil concours renversait tous ses plans ; s’il ne changea point ses dispositions secrètes, il changea du moins son langage. Les premières réponses de Séou à la junte portugaise, au gouverneur de Hong-kong lui-même, avaient été pleines de dédain et d’arrogance. Celles qui suivirent la réception de la note collective adressée par les ministres résidant à Macao semblèrent révéler un secret désir de conciliation. Malheureusement la sympathie des alliés du Portugal fut prompte à se refroidir. Ce furent d’abord les navires anglais qui regagnèrent Hong-kong sous prétexte d’aller défendre cet établissement contre d’imaginaires attaques qu’on feignit d’appréhender. Pressé de restituer à la ville de Macao l’appui si efficace du pavillon anglais, M. Bonham exhuma des archives du gouvernement de Hong-kong une dépêche de lord Aberdeen qui prescrivait à son prédécesseur de ne point intervenir dans les querelles des Chinois et des Portugais. Cette retraite des Anglais détermina une tiédeur subite chez le ministre des États-Unis. Il savait de quels sérieux intérêts il était le protecteur, et n’avait point, pour s’engager dans cette délicate question, la complète liberté du ministre de France ou du ministre d’Espagne. Il avait pu céder à un premier élan de générosité, il avait pu, vaincu par sa loyale et sympathique nature, oublier un instant les erremens d’une politique qui s’est longtemps fait gloire de demeurer indifférente à tout conflit dont ne devait souffrir aucun intérêt américain ; mais, dès qu’il crut découvrir chez les Anglais l’intention de compromettre des rivaux redoutés vis-à-vis du