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laissés derrière lui en observation. Ces Chinois étaient une capture précieuse. Pour s’échapper, les assassins n’avaient pu trouver d’autre passage que la porte de la barrière. Les soldats chinois qu’on venait d’arrêter devaient donc les connaître ; ils devaient savoir en vertu de quels ordres la fuite de ces malfaiteurs avait été tolérée, quand il était si facile et si naturel d’y mettre obstacle. Le conseil de Macao approuva cette arrestation et fit conduire les prisonniers dans la citadelle.

L’occupation de la barrière par des troupes portugaises équivalait presque à une déclaration de guerre. Ce furent les Chinois qui se chargèrent imprudemment d’ouvrir les hostilités. Du fort que Séou avait fait armer secrètement, ils tirèrent à toute volée quelques boulets qui vinrent labourer l’isthme et mourir à quelque distance du poste portugais. À l’instant, une compagnie de trente-cinq hommes, soutenue par un bataillon de la garde urbaine, gravit au pas de course l’éminence qu’occupaient les soldats de Séou, pénétra dans le fort par les embrasures, et mit en déroute l’armée chinoise. Ce coup de main, dirigé par un très jeune officier, le lieutenant Mezquita, fut exécuté avec une remarquable vigueur. Soixante-quinze Chinois restèrent sur le champ de bataille, tandis que les Portugais, qui avaient dû essuyer à bout portant le feu des canons ennemis, eurent à peine quelques blessés. L’âme d’Amaral animait encore les soldats qu’il avait commandés. Si l’on n’eût enchaîné leur ardeur, ils eussent à l’instant marché sur Caza-Branca ; le conseil s’opposa très sagement à ce projet : il voulait une réparation éclatante du meurtre d’Amaral ; il repoussait comme indignes d’une nation civilisée de sanglantes représailles et des dévastations inutiles.

La facile victoire remportée par le lieutenant Mezquita n’assurait cependant qu’à demi la sécurité de Macao. Les ennemis extérieurs étaient en fuite ; mais les ennemis intérieurs pouvaient, par leurs trames secrètes, prendre une terrible revanche de l’échec que venaient d’essuyer les troupes impériales. Si l’incendie éclatait au milieu du bazar, si les milliers de soldats dont on pouvait compter les tentes plantées de toutes parts dans la campagne, accouraient à la faveur d’une nuit orageuse sous les murs de Macao, comment une garnison composée à peine de trois cents hommes pourrait-elle faire face à ce double péril ? Après la lutte sanglante qui avait eu lieu le 25 août, l’épée était tirée entre le Portugal et le Céleste Empire. Il fallait s’attendre à la fois aux attaques ouvertes et aux trahisons. C’est dans cette conjoncture critique que l’intervention des ministres étrangers allait devenir la véritable sauvegarde de Macao. Deux navires de guerre anglais, l’Amazon et la Medoea, une corvette et un brick appartenant à la marine des États-Unis et placés sous