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au combat, celles-ci préférant en effet la chance de triompher par les armes à la certitude de mourir décimées sous les arrêts de la quatrième chambre.

Le 9 avril 1834, des masses insurgées, obéissant à une consigne, ouvraient dans les rues de Lyon une lutte dont l’habile précision des mesures militaires parvint à peine à diminuer l’horreur et la durée ; le 13 du même mois, Paris s’éveillait au bruit de la fusillade des sectionnaires, et le cœur de la France battait de douleur et d’orgueil au spectacle de l’héroïsme si tristement déployé dans une telle cause. Le parti républicain avait trop présumé de ses forces : il était vaincu par la puissance des armes, et allait être plus mortellement atteint par celle des lois. Cette lutte acharnée avait mis aux mains du gouvernement, non des conspirateurs, mais des prisonniers de guerre, et c’était par milliers qu’il comptait les hommes sur le sort desquels il avait à prononcer. Voici ce que fit la monarchie constitutionnelle.

Après avoir rendu à la liberté la presque totalité des ennemis pris les armes à la main, elle en réserva cent vingt et un pour les déférer à la plus haute juridiction du royaume, investie par la loi fondamentale du droit de connaître des attentats contre la sûreté de l’état. On leur permit de se réunir et de se concerter pour leur défense ; on ne s’opposa point à ce que chaque matin des feuilles publiques adressassent aux accusés des témoignages bruyans d’admiration.

Seulement, lorsque les accusés eurent annoncé dans leurs journaux et dans leurs interrogatoires qu’ils n’entendaient aucunement se défendre sur les faits qu’ils tenaient à honneur d’avoir accomplis, et que leurs défenseurs ne recevraient d’eux d’autre mission que de prêcher ouvertement leurs doctrines ; lorsqu’ils eurent solennellement déclaré que, déclinant la lutte judiciaire, ils prétendaient tenir au Luxembourg de grandes assises républicaines, le pouvoir et la justice résolurent de ne pas se laisser insulter face à face en acceptant dans ce drame sans exemple le rôle de victimes et la position d’accusés. Les prévenus furent avertis qu’on n’admettrait point à la barre, en complicité quotidienne avec eux, une douzaine de journalistes et de tribuns qui, n’étant ni avocats ni avoués, n’avaient pas qualité pour les assister dans une défense judiciaire. Cette interdiction, commandée par le bon sens comme par le droit, laissait d’ailleurs aux accusés la faculté de se choisir des défenseurs dans la totalité des barreaux du royaume, où les opinions républicaines florissaient alors dans un éclat sitôt terni par la victoire. Une mesure tellement simple en elle-même, qu’une résolution contraire aurait impliqué l’abdication instantanée de tous les pouvoirs de l’état, suscita pourtant un orage dans la presse et une émeute véritable au sein même de la cour. Une insurrection tumultueuse menaça les juges dans le