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par toutes les consciences ; elles demandaient, et beaucoup d’entre elles auraient mis à ce prix une adhésion sincère à la monarchie nouvelle, qu’il n’y eût dans un pays libre ni servage ni tyrannie de l’intelligence, et que pour les épreuves par lesquelles l’état s’assurait de l’aptitude des jeunes générations aux diverses carrières publiques, il n’existât, quant aux connaissances acquises, ni certificats d’origine ni système de proscription. Or personne n’a certainement oublié avec quelle adresse étaient éludées ces réclamations incessantes, avec quel dédain elles étaient parfois repoussées, lorsqu’il se rencontrait des voix isolées pour les porter devant les grands pouvoirs de l’état. On a payé trop cher, sans nul doute, ces enivremens passagers de la force et de l’orgueil, et les applaudissemens arrachés à tant de passions aveugles ou coupables ont abouti à des déceptions qu’on peut déplorer aujourd’hui sans oublier l’odieux usage qui fut fait plus d’une fois de la puissance publique contre la vérité et contre la justice. Si le pouvoir avait compris que la foi seule peut rendre une démocratie gouvernable, et qu’on donnait à l’anarchie ce qu’on enlevait à l’église, il aurait fait par politique tout ce qu’on lui demandait par religion. Si à défaut d’une haute inspiration chrétienne et sociale il avait eu seulement en matière religieuse le respect profond de la liberté et du droit, il n’aurait pas souffert que de tels griefs fussent si longtemps créés à des citoyens et de telles armes laissées aux mains de ses ennemis ; mais en matière de religion il semblait sans initiative aussi bien que sans libre arbitre. Remorqué par des passions assez souples pour dissimuler l’égoïsme de leurs prétentions sous le couvert de son propre intérêt, le gouvernement allait à la dérive des plus tristes préventions, lors même qu’il ne les partageait point, et les antipathies de la majorité sur les questions religieuses étaient aux meilleurs esprits, sinon la perception du mal, du moins le courage du bien.

Cette fascination à peu près générale au sein de l’opinion conservatrice rendit illusoire durant dix-huit années la promesse de la charte relativement à la liberté de l’enseignement secondaire ; elle eut des résultats plus désastreux encore en ce qui concerne l’enseignement et la moralité des classes populaires. Il faut rendre cette éclatante justice à la bourgeoisie, qu’elle était arrivée aux affaires en 1830 avec la ferme résolution de s’occuper beaucoup du peuple, d’accroître son bien-être en lui créant du travail au prix des plus dispendieux sacrifices, et d’élever le niveau de sa condition intellectuelle en organisant l’instruction primaire sur la plus vaste échelle. Rien n’est, à coup sûr, plus injuste et plus inique que les reproches adressés sur ce point à la monarchie de juillet. Lorsque ce gouvernement tomba, le sol était couvert de fondations qu’il ne reste plus