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éclater l’imprévoyance de nos lois fondamentales et la frivolité de combinaisons accueillies en leur temps par la faveur publique. Pour donner quelque poids à ses opinions actuelles, on voudra bien permettre à l’auteur de cette étude de rappeler qu’au lendemain de la coalition de 1838, il signalait, dans ce recueil même, les conséquences lointaines d’un système électoral qui atteignait à ses sources l’esprit public de la nation par la dépendance toute personnelle établie entre les mandataires et les mandans, et qu’il proposait l’élection à divers degrés comme le seul mode qui permit à une société démocratique de se constituer d’une manière quelque peu sérieuse. Des corps électifs s’engendrant les uns les autres, depuis les conseils communaux jusqu’aux deux chambres, lui paraissaient la solution pratique du problème. Certain alors de n’être ni compris ni écouté, il osait la proposer au parti conservateur, qui allait signaler son impuissance après avoir si tristement constaté ses divisions, et il le suppliait surtout de ne pas hésiter à ranimer la pairie par la généreuse infusion du principe électif. Alarmé de l’essor de tant d’ambitions et de la rapidité de tant de carrières hâtives, il annonçait à la bourgeoisie que son pouvoir sans racines pourrait être emporté par une bourrasque, s’il ne se rencontrait dans ses rangs des hommes d’état assez clairvoyans et assez résolus pour entreprendre d’hiérarchiser cette société sans traditions, en créant plusieurs degrés d’initiation dans la vie parlementaire, et en imposant aux hommes politiques de plus sérieuses épreuves que de vains succès de tribune[1].


II

Si la faiblesse et l’incohérence des institutions furent un obstacle à toute fondation durable, les instincts antireligieux de l’opinion dominante suscitèrent des difficultés d’une nature plus grave encore. La révolution de juillet avait confondu dans ses agressions et dans ses outrages l’ordre religieux et l’ordre politique, parce que la restauration, de son côté, avait tenté de les confondre dans une systématique unité. Le pouvoir avait laissé, par une coupable faiblesse, l’irréligion imposer, pour ainsi dire, son caractère au gouvernement nouveau. En plein XIXe siècle, Paris avait vu se renouveler les horreurs des temps barbares, les hommes du Nord n’avaient pas laissé de plus tristes ruines dans l’antique église de Saint-Germain d’Auxerre que celles qui s’y consommèrent au nom de la liberté. Le signe du salut et de la civilisation du monde était tombé du haut de Notre-Dame

  1. Lettres d’un Député à un membre de la Chambre des Communes. Voyez surtout les lettres IIIe et IVe sur le système électoral en franco et sur la reconstitution de La pairie, n° du 15 octobre et 1er novembre 1839.