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l’acte suprême d’un homme qui finit par le suicide, dans cette terrible résolution qui peut être le fruit d’un extrême égarement ou d’un extrême malheur, il y a sans doute encore quelque chose de dramatique, de triste, d’émouvant ; mais on ne saurait disconvenir que l’intérêt se trouve singulièrement refroidi quand un homme se prépare au suicide en développant la théorie de la transmigration des âmes. Le héros de M. Ducamp dit quelque part qu’il ne veut pas mourir comme un héros de mélodrame : comment meurt-il donc ? L’auteur pense-t-il que cette teinte de philosophie, semi-poétique ne soit point un des accessoires du mélodrame ? Cependant il y a dans le Livre posthume des pages qui sont loin d’être sans talent et des souvenirs de voyage qui en relèvent l’intérêt. Un des traits les plus caractéristiques de cette école, c’est le culte de la puérilité. On ne saurait ranger sous un autre titre un recueil récent de contes qui s’appelle Salmis de Nouvelles. Chacun y a sa part, même M. Théophile Gautier, et l’ouvrage n’en a pus plus de valeur. Il est fort à souhaiter que l’école qui a produit le Salmis de Nouvelles ne passe pas trop de temps à multiplier les signes de jeunesse et de vie de cette espèce. Ce n’est point là, à vrai dire, qu’est le succès littéraire aujourd’hui. Le succès est encore autour des comédies nouvelles de M. Ponsard et de M. Augier. Le. Théâtre-Français, il faut l’avouer, n’a point été heureux depuis quelque temps. Deux œuvres dramatiques de quelque importance se produisent, — Philiberte et l’Honneur et l’Argent, — et il ne réussit à avoir ni l’une ni l’autre ; il met sur la scène deux petites pièces, la Mal’aria et les Lundis de Madame, et ces deux légères esquisses ont une assez mauvaise fortune auprès de l’administration, on sait ce que nous pensons du talent de M. Ponsard : c’est un esprit sérieux, estimable, à qui il manque sans doute bien des ressources d’animation et de vie pour féconder d’une manière puissante un sujet comique ou tragique ; mais ce n’est point un motif, il nous semble, pour reconduire aussi galamment qu’on l’a fait : il s’est trouvé qu’on éconduisait un succès. Le Théâtre-Français a été plus heureux ces jours derniers dans une fête, en quelque sorte domestique où une de ses anciennes pensionnaires fugitives, Mlle Plessy, a reparu sur la scène. Mlle Plessy est arrivée de Saint-Pétersbourg pour jouer les Fausses Confidences au bénéfice de son ancien maître, M. Samson, et elle a facilement reconquis en un instant ce public qui la revoyait dans l’éclat de sa beauté et de son talent. Maintenant sera-ce une soirée fugitive et isolée. Le Théâtre-Français aurait-il la pensée de se rattacher encore Mlle Plessy ? Ce serait, sans nul doute, un élément nouveau de succès et pour le théâtre et pour les écrivains mêmes, dont les œuvres retrouveraient une brillante interprète de plus.

Et puisque nous sommes au théâtre, à ces émotions et à ces succès du monde dramatique, où en sont aujourd’hui les scènes d’un autre genre, les scènes lyriques ? Au Théâtre-Italien, l’apparition d’une cantatrice de talent, Mme de Lagrange, a excité pendant quelques représentations la curiosité des amateurs. Mme de Lagrange est une française qui, après avoir long-temps essayé ses forces dans quelques salons de Paris, s’est envolée vers des climats plus heureux, où il semble que la nature ait la puissance de tout transformer. Arrivée en Italie, elle aurait pris, dit-on, quelques conseils de Rossini, si tant est que le plus illustre paresseux de ce siècle daigne donner