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formée du juge de paix et des maires du canton. Une seconde commission, où entrent le sous-préfet, le procureur impérial et tous les juges de paix de l’arrondissement, choisit sur les listes préparatoires et arrête la liste définitive. Toutes ces précautions et ces sévérités ne sauraient être inutiles pour arriver à la formation d’un jury qui, par son intelligence et sa moralité, soit à la hauteur de ses délicates fonctions. C’est l’intérêt de la société, c’est l’intérêt de l’accusé lui-même, et c’est aussi sans nul doute l’intérêt de l’institution, qui trouve la garantie de la confiance qu’elle inspire dans l’exactitude éclairée de la justice qu’elle rend.

Certainement, à une époque comme la nôtre, dans les incidens politiques qui se produisent, dans les mesures administratives qui s’accomplissent, dans les lois qui s’élaborent ou se promulguent, il est mille indices qui remettent subitement en lumière les brusques reviremens des choses : la réalité a ses signes révélateurs des révolutions accomplies ; mais il semble aussi que ces reviremens soudains, ces révolutions successives, prennent un caractère plus saisissant dans certaines publications qui viennent se mêler au mouvement intellectuel contemporain, parce que là on retrouve tout à la fois le passé et le présent. En un instant, on feuillette l’histoire de quelques-unes des années les plus agitées ; on tourne la paire sur deux ou trois régimes politiques. Ce sont des documens, si l’on veut ; mais ces documens nous remettent sans intervalle en présence de ce que nous avons été et de ce que nous sommes. C’est ainsi qu’on recueille aujourd’hui les Discours et Messages du prince Louis-Napoléon, depuis le moment où la révolution de 1848 le ramenait en France pour être candidat à la présidence de la république jusqu’à l’heure où il recevait à Saint-Cloud, des mains du sénat, la couronne impériale. Entre ces deux dates, combien s’est-il écoulé de temps ? Quatre années à peine, et chacun de ces discours dans ces quatre années est un incident qui ne s’éclaire qu’aujourd’hui peut-être de son vrai jour. Qu’on relise le discours aux exposans de l’industrie, prononcé au mois de novembre 1851, l’allocution adressée à peu près à la même époque aux officiers de l’armée de Paris, et on apercevra comme un reflet du 2 décembre, comme un mystérieux appel à un avenir prochain. De page en page, dans l’ensemble de ces discours, on peut voir se dessiner l’esprit, le caractère et la pensée. C’étaient comme les bulletins d’une campagne politique dont le résultat a été une couronne pour le prince Louis-Napoléon. Par une coïncidence singulière, au même instant, M. Dupin publie, lui aussi, les souvenirs de la présidence de l’assemblée législative ; mais en réalité, malgré le titre, c’est bien autre chose encore que la république et l’assemblée législative. C’est tout M. Dupin pérorant, présidant, inaugurant des sessions, haranguant des comices agricoles depuis plus de vingt-cinq ans. Tout compte fait, il y a bien ici quatre ou cinq révolutions vues de profil. À voir, du reste, la piété avec laquelle M. Dupin recueille ses moindres paroles, on peut s’étonner qu’il n’en soit encore qu’à son soixante-quinzième ouvrage ! Mais ce livre est-il bien de M. Dupin ? Ce qui pourrait, ce qui devrait en faire douter, c’est le zèle d’éloge qui accompagne tous les actes, toutes les paroles de M. Dupin lui-même dans ces pages, c’est le soin extrême mis à reproduire les plus flatteurs témoignages des journaux. Voici cependant qu’en tournant le feuillet, dans une note, dans un entrefilet, on trouve l’auteur