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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.


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14 avril 1853.

Bien des fois déjà on a mis en parallèle la société française et la société anglaise dans leur mouvement respectif. Ce sont en effet, sinon deux civilisations différentes, du moins deux nuances bien tranchées de la civilisation. Chacune de ces sociétés a son cachet, ses tendances, ses mœurs, ses ressorts particuliers et ses fortunes diverses. L’une réussit, comme on a dit, là où l’autre trouve de mortelles occasions de chute. Quand elles se rapprochent et semblent se développer un moment dans le même sens, à l’abri des mêmes institutions, un coup de vent subit vient déranger toutes les combinaisons et montrer ce qu’il y a de factice dans ces analogies et ces rapprochemens. Rien n’est plus simple et plus naturel ; c’est que tout diffère dans les traditions des deux pays : leurs révolutions n’ont en ni les mêmes mobiles, ni le même but, comment les conséquences ne seraient-elles pas différentes ? Or cette différence dans les résultats de deux révolutions ; c’est ce qui frappe nos regards, c’est ce qui éclate en mille signes contemporains, c’est ce qui fait encore aujourd’hui la double situation de la France et de L’Angleterre, situation dont l’histoire seule a le secret. Une traduction française fait en ce moment passer dans notre langue le remarquable livre de M. Macaulay sur le règne de Jacques II et sur la révolution de la fin du XVIIe siècle en Angleterre. M. Augustin Thierry publie aujourd’hui même ses éloquentes études sur la formation et les progrès du tiers-état. Ce n’est point le hasard qui réunit ces deux ouvrages : ils montrent le même problème se résolvant en quelque sorte nécessairement de deux manières presque opposées ; ils remettent simultanément sous nos yeux ces deux ordres de choses si profondément distincts dont nous parlions. Qu’est-ce que l’histoire de Charles II, de Jacques II, du changement dynastique de 1688 ? c’est le travail d’enfantement de la liberté politique anglaise à sa période la plus décisive. Qu’est-ce que la formation et le progrès du tiers-état ? C’est toute la révolution française. Il n’en faut pas