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et soumis. Au premier geste que fait le gouverneur pour saisir sa proie, il tombe mort, le cœur percé de vingt coups. Un signal est jeté ; les autres compagnons du paysan, cachés pendant la nuit aux abords du château, sortent tout à coup de la forêt qui les recèle. Au milieu du tumulte que cause la mort du chef, il est aisé de forcer la porte. Le château est envahi, les gardes sont massacrés, lances et cuirasses sont mises en pièces par les pioches et les bâtons ferrés. L’incendie éclate, et de ce repaire de brigands il ne reste bientôt plus que des murailles fumantes. M. Waldau a trouvé dans ce dramatique sujet des inspirations heureuses. L’intérieur du vieux paysan Adamo, le portrait de la belle et naïve Cordula, son pèlerinage au monastère voisin, sa piété fervente et candide, le retour au foyer paternel, la rencontre d’un des chevaliers du gouverneur qui veut prendre la belle fille et l’emmener avec lui, l’arrivée subite du jeune chasseur Volker et cette flèche si bien lancée qui frappe le ravisseur au moment où il va emporter sa proie, tous ces détails vifs, rapides, émouvans, ouvrent le récit avec charme. Cependant Cordula s’est évanouie, et le chasseur, craignant une nouvelle attaque, a conduit la jeune fille dans la forêt voisine. Cet épisode, l’une des parties importantes du poème, est moins habilement traité ; l’idylle, succédant aux scènes violentes, aurait dû mieux inspirer l’auteur. Il y a de l’afféterie dans maints détails. La fin, plus vigoureusement conduite, rachèterait bien des fautes, si le discours adressé par Adamo à ses compagnons vainqueurs ne laissait l’impression la plus fâcheuse. On ne s’attendait guère à voir le vieux paysan se comparer à Virginius. Passe encore pour la comparaison ; mais vraiment la leçon politique et morale qu’elle renferme devait rester dans les prétentieuses gazettes d’où M. Max Waldau l’a tirée. « Virginius, s’écrie emphatiquement le père de Cordula, livra sa fille à Appius par respect pour la loi, puis il tua la victime afin de sauver au moins son honneur. Ce n’était pas cependant la véritable, loi qui lui avait parlé, ce n’en était que l’apparence. Moi, au lieu de tuer ma fille, j’ai tué la loi, la fausse loi, la loi hypocrite et sans mission ; je l’ai tuée par respect pour la loi éternelle ! » C’est ainsi que les paysans du poète, dissertent, le couteau à la main, sur l’être et le paraître, sur l’apparence et la réalité du droit, sur les lois qu’il faut respecter et les lois auxquelles il faut enlever leur masque. En général, le récit de M. Max Waldau, écrit avec beaucoup de soin et d’élégance, manque de simplicité. Il y a sans cesse des longueurs, des apostrophes, des prosopopées. M. Waldau a de l’éclat et de l’imagination ; il doit s’attacher davantage au dessin. Pourquoi ce long poème n’est-il pas divisé ? Pourquoi les tableaux ne se suivent-ils pas avec plus d’ordre ? Hermann et Dorothée, qu’on cite aujourd’hui à tout propos, donnerait d’excellens conseils au poète de Cordula. Si M. Waldau s’habituait à bien distribuer son récit, à bien grouper toutes ses figures, à répandre partout une lumière égale, les richesses de sa poésie s’ordonneraient d’elles-mêmes avec grâce, et il éviterait, j’en suis sur, les fautes de goût auxquelles sa verve mal contenue s’est laissé entraîner.

Ce n’est pas la netteté qui manque à un remarquable petit poème de M. Paul Heyse ; il faudrait plutôt y blâmer un trop grand souci de la brièveté et de l’effet dramatique. On connaît le gracieux roman d’Ourika, écrit d’une plume si élégante par Mme de Duras. Une traduction de ce roman, publiée à Francfort en 1824, sans que le nom de l’auteur y fût indiqué, tomba récemment