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LA FORTERESSE


DE VNEZAPNE


SCENES DE LA GUERRE DU CAUCASE.




Parmi les voyageurs qui ont recueilli et publié leurs souvenirs sur le Caucase, je n’en connais aucun qui ait visité la partie de cette région montagneuse qu’on nomme Tchétchénia. Pour la plupart, ils se sont bornés à comprendre les Tchétchens dans l’énumération des diverses tribus qui habitent les montagnes caucasiennes. C’est pourtant cette peuplade qui constitue la principale force de Shamyl, et qui supporte presque tous les efforts de la lutte soutenue depuis tant d’années par ce chef des montagnards indépendans contre la Russie. Un séjour assez prolongé dans les pays du Caucase m’a permis d’observer cette ancienne tribu dans sa vie intime comme dans sa vie guerrière ; il m’a en même temps montré l’armée russe sous des aspects bien peu connus encore, et sur le théâtre où elle révèle le mieux ses qualités particulières, c’est-à-dire dans une des forteresses qui bornent les montagnes voisines de la mer Caspienne, puis au milieu de ces montagnes mêmes et aux prises avec les tribus ennemies. C’est ce théâtre de quelques épisodes de mon voyage que je voudrais d’abord faire connaître, avec l’espoir que l’intérêt qui s’attache ici aux lieux comme aux hommes justifiera la place donnée dans mes récits à des souvenirs tout personnels.

La province du versant nord des montagnes caucasiennes, qui porte le nom de Tchétchénia, est comprise entre les bords du Soulak à l’est, tout près de la mer Caspienne, et les limites de la Petite-Kabarda à l’ouest. Elle se lie au sud à la grande chaîne du Caucase,