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IV

Telle est la situation, c’est sur les deux points de l’Amérique centrale, et du Mexique qu’elle porte principalement, car je ne saurais croire qu’il y ait péril imminent du côté de la Havane. Récemment encore, il est vrai, on annonçait qu’une troisième expédition s’organisait ; on disait qu’un colonel hongrois devait en prendre le commandement, et que déjà on comptait plus de quinze cents hommes enrôlés sous ses ordres. Tout cela cependant n’est pas sérieux, à moins que les autorités espagnoles ne se manquent à elles-mêmes. Avec les troupes dont elles disposent, avec le concours actif des forces navales que l’Angleterre et la France entretiennent aujourd’hui dans la mer des Antilles et qui ne leur manqueraient certainement pas, elles sont certaines d’avoir toujours facilement raison d’une tentative dirigée contre elles par des aventuriers étrangers à la population qu’ils veulent révolutionner ; elles ont de plus la garantie que le général Pierce leur a donnée dans son discours d’inauguration, et dont il serait injuste de ne pas tenir grand compte. La seule chance sérieuse que d’ici à longtemps l’Espagne ait encore contre elle, ce serait celle d’une insurrection locale qui permettrait aux États-Unis de renouveler à la Havane ce qu’ils ont fait avec tant de succès au Texas ; mais rien n’annonce que cette hypothèse doive se réaliser bientôt. Pour ce qui est de l’Amérique centrale, le thème de tant de déclamations violentes, il n’est pas probable non plus qu’elle fournisse pendant quelque temps autre chose que le texte de discours, d’articles de journaux, de pamphlets et de négociations diplomatiques. Dans les manifestations les plus vives de leurs passions, alors qu’on pourrait les croire portés à ce degré d’irritation qui exclut le raisonnement, les Américains savent toujours conserver un grand calme d’intelligence et poursuivre avec lucidité les calculs du bon sens, dans lesquels ils prétendent avec quelque droit être passés maîtres. Celui que vous seriez presque tenté de prendre pour un furieux n’est dans la réalité qu’un politique très réfléchi qui suit souvent avec prudence et toujours avec adresse un plan caché. Aussi n’iront-ils pas cette fois encore s’aventurer si loin de chez eux : ils entretiendront la question dans un état d’agitation salutaire, de façon à écarter les Anglais et à se réserver le terrain libre à eux-mêmes pour le jour où ils seront prêts ; mais ils n’agiront pas sérieusement avant d’avoir assuré leur route. C’est plus près d’eux, c’est au Mexique qu’ils porteront leurs premiers coups. Là rien ne leur fait obstacle et tout les invite, la faiblesse de l’ennemi, la facilité de la victoire et la certitude de ne