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C’est très clair et très net, et il en sérait résulté que l’Angleterre eût été évincée, non-seulement du protectorat des Mosquitos, mais aussi des établissemens qu’elle possède depuis le milieu du XVIIe siècle sur la côte du Honduras, l’un des cinq états qui composent l’Amérique centrale, si, avant que d’échanger les ratifications, elle n’avait pas fait ses réserves en vue de cette conséquence. Il parait qu’elle avait d’abord échappé à sir H. Bulwer ; traitant surtout du port de Saint-Jean de Nicaragua, il n’avait pas remarqué que la teneur de l’article en question pouvait s’appliquer à des possessions anglaises qui sont situées à presque deux cents lieues marines de distance, et il avait laissé le texte passer tel quel sous les yeux du sénat ; mais, lorsqu’en Angleterre le ministère eut à délibérer sur l’acceptation du traité, on lui fit remarquer la conséquence extrême qu’on en pouvait tirer, et que des adversaires aussi processifs que le sont les Américains ne manqueraient pas d’en faire sortir. Aussi, pour se mettre en règle, n’expédia-t-il sa ratification à M. Bulwer qu’à la condition de stipuler des réserves positives pour ses établissemens du Honduras avant de faire l’échange. Ce fut le 23 juin 1850 que ces instructions parvinrent à sir H. Bulwer ; il y avait un mois déjà que le sénat avait voté. Les whigs, qui avaient négocié de bonne foi avec l’Angleterre et sans songer au Honduras, qui se tenaient pour satisfaits d’avoir obtenu la promesse du concours de l’Angleterre à l’exécution du canal, admirent sans difficulté l’incident que soulevait sir H. Bulwer, et, après s’en être entendus seulement avec le comité des affaires étrangères du sénat, ils échangèrent définitivement les ratifications le 4 juillet, en faisant entrer au traité, et sans demander un nouveau vote sur ce sujet, les réserves exigées par sir H. Bulwer pour excepter les établissemens anglais du Honduras des conséquences qui autrement auraient pu leur être appliquées.

Or, le 17 juillet de l’année dernière, le gouvernement anglais ayant jugé à propos de constituer en colonie, par proclamation royale, les îles de Roatan, de Bonacca, d’Utilla, de Barbants, d’Helena et de Morat, qui dépendent de ses établissemens du Honduras, et qu’il occupe depuis bientôt deux siècles, le parti démocratique aux États-Unis prétend que le traité de 1850 est de fait violé par l’Angleterre, et que l’on a le droit de le considérer à Washington comme nul et non avenu, attendu que le texte voté par le sénat ne contient aucune des réserves ajoutées postérieurement, à la demande de sir Henri Bulwer, et acceptées par le pouvoir exécutif tout seul. Dans la forme, c’est une question de procédure constitutionnelle qui a peut-être son intérêt ; dans le fond, ce n’est qu’une mauvaise querelle cherchée à l’Angleterre pour rompre des engagemens auxquels on voudrait échapper. C’est cependant en brodant sur ce thème, que le général