révolution de février, et quant aux États-Unis, ils étaient trop occupés de leur guerre avec le Mexique, à propos de laquelle d’ailleurs l’Angleterre leur cherchait quelque peu noise, pour suivre avec beaucoup d’attention ce qui se passait dans l’Amérique centrale sur deux-points à peine habités. D’ailleurs, pour les calmer, lord Palmerston consentait, comme preuve de sa modération, à donner l’ordre d’évacuer l’île du Tigre. Ne suffisait-il pas à l’Angleterre d’être maîtresse de l’une des deux écluses du canal pour peser sur l’affaire ? Aussi occupe-t-elle jusqu’à ce jour le port de Saint-Jean, toujours sous le nom et dans l’intérêt du roi des Mosquitos, jouant assez bien dans toutes les négociations auxquelles a donné lieu cette prise de possession le rôle du juge dans la fable de l’Huître et les Plaideurs, car le malheur des circonstances veut encore que les états de Nicaragua et de Costa-Rica élèvent chacun de son côté des prétentions sur le port de Saint-Jean, de sorte qu’au milieu de toutes les contestations, embrouillées encore de temps à autre par un peu de guerre civile, il n’est pas très difficile au plus fort de rester maître de l’objet du litige, même quand il n’a de droits à faire valoir que pour le compte du roi des Mosquitos. Ces droits sont moins que douteux, et le nom seul que la ville a toujours porté sur les cartes de tous les pays suffirait à prouver qu’elle appartient aux Espagnols ; mais en la débaptisant, en l’appelant Grey-Town par exemple, en lui donnant un petit parlement, un juge, un capitaine de port, un surintendant de la police, qui rendent tous leurs ordonnances en anglais et surtout en soutenant leur autorité a coups de canon, comme, on l’a vu l’année dernière a propos du paquebot américain le Prometheus, on espérait peut-être qu’avec le bénéfice du temps, qui a légitimé tant d’usurpations, on finirait par s’établir sur un pied respectable et durable à la fois.
La conduite, de l’Angleterre ressort dans toute cette affaire sous un jour d’autant plus repréhensible que, par contraste, les Américains ont montré jusqu’ici plus de modération. S’ils ont commis quelques légèretés diplomatiques, si dans la négociation du traité Crampton-Webster, ils se sont portés forts de droits qui dans la réalité ne leur appartiennent pas, il faut avouer cependant qu’ils n’ont rien osé qui puisse faire sortir cette affaire de l’ornière pacifique et régulière des chancelleries. On doit reconnaître même qu’en général ils ne l’ont traitée que d’un point de vue élevé, sans prétentions avides à un monopole exclusif, mais en mettant au contraire leur gloire à être les principaux instrumens d’une grande œuvre qui devra profiter à tous. J’en citerai pour exemple le projet adressé au président Fillmore par un diplomate qui a rempli en Europe d’importantes missions, M. Nathaniel Niles. Communiqué au sénat de