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offrir seul les conditions de topographie requises pour la construction de ce canal, c’est l’un des cinq états qui composaient, il y a quelques années encore, la confédération de l’Amérique centrale, qui avait elle-même succédé, sous ce titre républicain, à l’ancienne capitainerie générale de Guatemala. Le sort de cette république n’a pas été plus heureux ni plus brillant que celui des autres pays qui de nos jours ont tenté, soit dans l’Amérique espagnole, soit ailleurs, cette forme de gouvernement, si peu faite pour les peuples latins et catholiques. Les cinq états qui la composaient, le Honduras, le San-Salvador, le Nicaragua, le Guatemala et le Costa-Rica, n’ont pas réussi à constituer une union politique, et malgré les avantages extraordinaires dont la nature les avait comblés, ils n’ont jamais fait que végéter dans la misère et dans l’anarchie. Les convulsions civiles ont été chez eux plus fréquentes et plus désastreuses que les éruptions des innombrables volcans qui couvrent leur territoire, qui figurent dans leurs armoiries nationales, et dont l’un, le Coseguina, a produit en janvier 1835 la plus terrible éruption qui soit consignée dans la mémoire des hommes. Après quelques années de tiraillemens et de désordres, le lien fragile qui unissait cas états entre eux fut rompu, mais sans bénéfice pour personne. En devenant indépendans les uns des autres, aucun n’a renoncé aux discordes qui avaient amené le déchirement de la commune patrie. Le moins malheureux a été celui de Costa-Rica, celui qui comptait dans son sein la plus forte proportion de population d’origine européenne, et qui jouit depuis quelques années d’une tranquillité et d’une prospérité relativement très remarquables. Les états qui ont le plus souffert sont ceux de Nicaragua et de Guatemala. Au Guatemala, la guerre civile a dégénéré presque pendant un temps en une guerre de races, et si elle s’est éteinte, c’est dans le sang de la classe moyenne, décimée par un métis, le général Carrera, appuyé d’un côté sur les Indiens et de l’autre sur le clergé, qui trouvait que les bourgeois et les petits propriétaires avaient une tendance dangereuse à devenir de libres penseurs, et à prendre au sérieux, dans la vie morale comme dans la vie civile, les idées de liberté. M. Squier raconte à ce sujet les anecdotes les plus curieuses, qui montrent ce que l’on entend par la religion dans ces tristes pays et le misérable usage qu’on en fait. C’est ainsi, par exemple, qu’un jour de grande fête, une multitude d’Indiens étant réunis pour assister aux offices, on fit tomber au milieu d’eux, du haut des voûtes de l’église, une lettre attribuée à la vierge Marie, qui leur ordonnait de prendre les armes contre les modérés, et leur promettait l’intervention des milices célestes dans la bataille. L’histoire du Nicaragua n’est pas beaucoup plus édifiante, et aujourd’hui encore il est désolé par des dissensions civiles qui ne