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était le pâturage, les grandes haies avaient leur utilité. Avec le progrès de la stabulation, cette utilité diminue ; elles peuvent d’ailleurs être remplacées par des haies basses ou d’autres clôtures. Telles qu’elles sont, les cultivateurs ne leur trouvent plus que des inconvéniens : elles occupent par elles-mêmes une place énorme, elles nuisent doublement par leur ombrage et par leurs racines aux fruits de la terre, elles servent de refuge à des multitudes d’oiseaux qui dévorent les semences. La plupart des propriétaires résistent encore, d’abord parce que l’émondage et la coupe des arbres leur donnaient un revenu, ensuite parce que ces haies contribuaient singulièrement à la beauté du paysage : mais quelques-uns d’entre eux se sont déjà exécutés, et le reste devra céder plus ou moins, car l’opinion publique, saisie de la question, se prononce tous les jours de plus en plus en faveur des fermiers, et l’opinion est souveraine. Le même sort est évidemment réservé au gibier, dont la sévérité des lois sur la chasse a jusqu’ici favorisé la multiplication, et qui fait un mal réel aux récoltes. L’opinion, si favorable en Angleterre à la grande propriété, mais en même temps si exigeante pour elle, commence à faire aux riches landlords un devoir de sacrifier leurs plaisirs aux nécessités nouvelles de la production.

En assistant à cette lutte pacifique dont l’issue ne saurait être douteuse, on ne peut s’empêcher de se rappeler que des abus du même genre ont été une des causes de la révolution française. Pour se préserver des ravages des lièvres et des lapins seigneuriaux, nos cultivateurs n’ont pas trouvé de meilleur moyen que de démolir les châteaux el de tuer ou d’expulser leurs propriétaires. Les cultivateurs anglais sont plus patiens et plus calmes : ils n’en finiront pas moins par atteindre leur but, sans bouleversement et sans excès. Leur arme unique est la reproduction obstinée de leurs griefs ; ils calculent gravement combien d’acres de terre sont enlevées à la culture par les grandes haies, combien il faut de lièvres pour consommer la subsistance d’un mouton. C’est maintenant parmi eux un lieu-commun de dire et de répéter sans cesse qu’ils sont obligés de payer trois rentes, la première à leur propriétaire sous forme de fermage, la seconde à ses haies, et la troisième à son gibier. Dans quelques cantons, on les a vus se cotiser pour acheter la chasse et entreprendre en grand l’extermination des lièvres, qui vaut mieux que celle des hommes.

Tous ces travaux de drainage, de construction de bâtimens pour la stabulation, d’établissement de machines à vapeur, etc., imposent de grands sacrifices. On peut évaluera à 500 fr. environ par hectare en moyenne ou 8 livres sterling par acre la dépense qu’ils exigeront des propriétaires, et à 250 fr. celle des fermiers. Dans les terres fortes il faudra sans doute beaucoup plus, mais dans les terres légères il suffira