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celle qui devient maintenant en Angleterre une pratique universelle et qui restera comme l’effet le plus utile de cette grande commotion, c’est le procédé d’assainissement connu sous le nom de drainage. Drainage, en anglais, signifie écoulement. De tout temps l’écoulement des eaux surabondantes a été pour l’agriculture anglaise, et surtout dans les sols tenaces, la principale difficulté. On n’avait jusqu’ici employé, pour s’en débarrasser, que des moyens imparfaits ; le problème est aujourd’hui tout à fait résolu. « Prenez ce pot de fleurs, disait dernièrement en France le président d’un comice ; pourquoi ce petit trou au fond ? pour renouveler l’eau. Et pourquoi renouveler l’eau ? parce qu’elle donne la vie ou la mort : la vie, lorsqu’elle ne fait que traverser la couche de terre, car elle lui abandonne les principes fécondans qu’elle porte avec elle, et rend solubles les alimens destinés à nourrir la plante ; la mort au contraire, lorsqu’elle séjourne dans le pot, car elle ne tarde pas à se corrompre et à pourrir les racines, et elle empêche l’eau nouvelle d’y pénétrer. » La théorie du drainage est tout entière dans cette image pittoresque. L’invention nouvelle consiste à employer, pour effectuer l’écoulement des eaux, au lieu de fossés ouverts et de tranchées remplies de pierres ou de fascines, procédés connus même des anciens, des tuyaux cylindriques de terre cuite, de quelques décimètres de longueur, et placés bout à bout au fond de rigoles recouvertes de terre. On ne comprend pas d’abord, quand on n’a pas vu l’effet de ces tuyaux, comment l’eau peut s’y rendre et s’échapper ; mais, dès qu’on a vu une terre drainée, on ne peut plus conserver le moindre doute. Les tuyaux font l’office du petit trou toujours ouvert au fond du pot de fleurs ; ils appellent l’eau, qui y arrive de toutes parts, et la portent au dehors, soit dans des puisards, soit dans des rigoles d’écoulement, quand la pente du terrain s’y prête. Ces tuyaux sont faits avec des machines qui en rendent la fabrication peu dispendieuse. On les choisit d’un diamètre plus ou moins large, on les pose dans des rigoles plus ou moins profondes et plus ou moins rapprochées, suivant la nature du sol et la quantité des eaux à écouler. L’ensemble du travail, pour achat et pose, coûte en moyenne 250 fr. par hectare ; il est maintenant généralement reconnu que c’est de l’argent placé à 10 pour 100, et les fermiers ne refusent à peu près nulle part d’ajouter à leur bail 5 pour 100 par an de la somme consacrée par leurs propriétaires au drainage de leurs champs.

Les effets du drainage ont quelque chose de magique. Prairies et terres arables s’en trouvent également bien. Dans les prairies, les herbes marécageuses disparaissent, le foin devient à la fois plus abondant et de meilleure qualité ; dans les terres arables, même les plus argileuses, céréales et racines poussent plus vigoureuses et plus saines ; il faut moins de semence pour plus de récolte. Le climat lui-