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au-dessus de ce qu’elles étaient en 1800. Dans le langage passionné du moment, on appelait cette baisse une restitution partielle de ce qui avait été perçu indûment depuis cinquante ans sur la subsistance publique par les propriétaires.

En second lieu, on a fait le raisonnement suivant. Ce qui cause, a-t-on dit, la fortune de la propriété rurale, c’est la richesse industrielle et commerciale. Or, si le prix des subsistances s’élève, ou seulement s’il se maintient au taux établi, c’est-à-dire beaucoup plus haut que partout ailleurs, les salaires devront s’élever pour satisfaire aux exigences nouvelles de la population laborieuse ; l’industrie anglaise ne pourra plus soutenir la concurrence étrangère, l’exportation diminuera, et la souffrance de l’industrie et du commerce réagira sur l’agriculture, qui ne pourra plus vendre ses produite. La baisse redeviendra donc inévitable, mais ce sera une baisse terrible, produite par la pauvreté ; on reverra les émeutes populaires des jours les plus sinistres, et devant les populations affamées il faudra céder. Mieux vaut céder d’avance quand le temps est encore serein, quand une concession faite à propos peut non-seulement empêcher une interruption dans la production manufacturière, mais en accroître l’activité. Le progrès de la population et de la richesse rendra bientôt à l’agriculture plus qu’elle n’aura perdu, en augmentant à la fois le nombre et les ressources des consommateurs non agricoles.

À ces démonstrations appuyées sur les faits est venue peu à peu se joindre la conviction que le mal n’était pas tout à fait universel et irrémédiable, qu’un bon nombre de propriétaires et de fermiers n’en étaient que faiblement atteints, et qu’il y avait, pour les autres, des moyens de combler le déficit des prix par l’augmentation de la production. Dès ce moment, la cause de la réforme a été gagnée, car la nation anglaise est une nation d’économistes instinctifs, et tout le monde y comprend très bien les avantages du bon marché quand il est possible. Il y a eu sans doute et il y aura encore beaucoup de souffrances individuelles ; mais dans l’ensemble, on le sait maintenant, cette secousse, qui semblait devoir être si fatale à la culture anglaise, lui fera faire au contraire un nouveau pas, et à l’immense avantage de faire disparaître toute crainte sur l’approvisionnement national, à l’avantage non moins grand de supprimer toute cause d’infériorité pour l’industrie anglaise sur le marché universel, viendra s’ajouter un accroissement notable dans la production agricole. Ce qu’a fait la hausse dans d’autres temps, la baisse l’aura fait aujourd’hui ; cette contradiction apparente n’en est pas une, car elles ont toutes deux un principe commun, la richesse.

L’Angleterre peut être partagée en deux bandes à peu près égales par une ligne qui la traverse du nord au sud ; la moitié occidentale étant infiniment plus humide et pluvieuse que la moitié orientale, la