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notre agriculture ; les procédés à suivre pour augmenter la production ne viennent qu’après. J’ai indiqué les principaux procédés suivis en Angleterre, j’en indiquerai bientôt d’autres. L’agriculture nationale peut y trouver des exemples utiles, mais je suis loin de les donner comme des modèles à imiter partout. Chaque sol et chaque climat a ses exigences et ses ressources ; le midi de la France, par exemple, n’a presque rien à emprunter aux méthodes anglaises ; son avenir agricole est pourtant magnifique. Il n’y a qu’une loi qui ne souffre pas d’exception et qui porte partout les mêmes conséquences, la loi du débouché.


III

Nous avons en quelque sorte assisté à la génération de la richesse agricole anglaise ; son principe est dans la prédilection de la classe riche pour la vie rurale ; outre les avantages directs qui en résultent pour les campagnes, ces mœurs ont produit la liberté politique et l’ont préservée du contact impur des révolutions ; la liberté sans révolutions a produit un immense développement industriel et commercial, et le développement industriel et commercial a produit à son tour une grande prospérité agricole ; l’impulsion féconde est revenue à son point de départ. Il nous reste à nous rendre compte d’un événement récent qui paraît contraire à ces prémisses, et qui n’en est pourtant qu’une conséquence ; je veux parler de la réforme douanière de sir Robert Peel et de la crise qui l’a suivie.

Au milieu de ses grandeurs et de ses richesses, l’Angleterre est toujours en présence d’un immense danger qui est la conséquence de sa richesse même, l’excès de population. Voilà déjà un demi-siècle qu’un de ses plus illustres enfans, Malthus, a poussé le cri d’alarme pour la prévenir ; depuis cette époque, elle a eu plusieurs fois de tristes avertissemens dans des soulèvemens causés par la disette. Quelle que soit la rapidité du développement agricole, il a peine à suivre le mouvement plus rapide encore de la population. La hausse des subsistances est l’effet certain de cette agglomération d’hommes. Dans une certaine mesure, cette hausse a été utile en ce qu’elle a excité les progrès de l’agriculture ; mais elle a des inconvéniens à d’autres égards, et il est un point où elle devient tout à fait nuisible, c’est quand elle atteint un prix de disette, scarcity price ; alors la souffrance d’une portion notable de la population réagit sur tout le reste, et l’ensemble de la machine sociale ne fonctionne plus que péniblement.

Dans l’état de production que nous avons indiqué ; et avec une population de 28 millions d’habitans, la répartition égale des subsistances