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du parti démocratique ne lui eût pas laissée. Ainsi ce changement politique que nous avons annoncé si souvent depuis deux ans est maintenant accompli officiellement, il reste encore au pouvoir du général Pierce d’en modérer les résultats, et de ne donner satisfaction aux intérêts qu’il représente que dans une juste mesure.

CH. DE MAZADE.


DE LA CÉRAMIQUE
Collections towards a history of Pottery and Porcelain in the 15th, 16th, 17th and 18th centuries, by Joseph Marryat ; London, 1 vol. in-8o, Murray.

Je me souviens d’avoir traduit autrefois en version comment, au VIe siècle de Rome, un certain Aelius Pœtus, jurisconsulte très habile, s’avisa de faire graver sur des tables d’airain les formules judiciaires d’action, c’est comme qui dirait aujourd’hui le code de procédure, et les exposa dans le Forum pour l’édification et la commodité des plaideurs. Le peuple romain lui sut beaucoup de gré d’avoir mis à la portée de tout le monde ces formules dont les jurisconsultes faisaient un grand mystère, et la reconnaissance publique a rendu le nom d’Aelius Paetus Immortel. Toutefois, auprès de ses confrères les légistes, il n’obtint pas le même succès ; ils l’appelèrent un gâte-métier, et lui tirent un crime d’avoir montré à quoi se réduisait la science, dont la possession exclusive avait donné à quelques-uns d’entre eux le droit de faire les importans. J’espère que le nom de M. Marryat sera également immortel. Non moins généreux que le jurisconsulte romain, il a révélé un arcane presque aussi mystérieux que les formules d’action. Collecteur de faïences et de porcelaines, il enseigne à quiconque voudra faire une collection de semblables objets le moyen de n’être pas attrapé dans ses acquisitions. Rien de plus utile, rien de plus nécessaire même qu’un tel livre, aujourd’hui que tout le monde se mêle de bric-à-brac, et personne ne pouvait mieux rédiger ce manuel de l’amateur que M. Marryat, possesseur d’un cabinet célèbre, et en relations avec tous les amateurs de l’Europe. Il sera béni des gens du monde qui ont à garnir des consoles et des dressoirs ; mais qu’il s’attende à la colère des vieux collecteurs ses confrères, qui font mystère de leur expérience chèrement acquise. — « A quoi bon, diront-ils, instruire les ignorans, et leur rendre facile une étude qui nous a coûté beaucoup de peine ? Comme si les financiers ne nous faisaient pas déjà une assez rude concurrence ? Pourquoi un des nôtres vient-il nous ôter le seul avantage que nous eussions, celui de savoir le prix des choses ? » Ils devraient ajouter : « Et que pensera-t-on de notre savoir, quand chacun, pour quelques francs, pourra le porter dans sa poche ? »

Pour moi, j’excuse et je comprends la colère de ces amateurs moroses. Au fond, ce sont des gens très malheureux. On se moque de leurs goûts, qu’on appelle, des manies jusqu’à ce qu’ils deviennent une mode. Leur vie se consume en désirs impuissans, en longues et infructueuses attentes, et finalement, quelques richesses qu’ils aient entassées dans leurs cabinets, ils emportent au tombeau le désespoir de n’avoir pu se compléter. Il ne faut pas leur en vouloir de leur jalousie à garder pour eux-mêmes de petits secrets, au moyen desquels ils ont dans les ventes l’avantage des premiers choix sur de riches