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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.


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31 mars 1853.

De toute manière, il faut donc que l’attention publique, en certains momens, se concentre sur un point et s’absorbe dans une inquiétude, dans l’attente de quelqu’un de ces événemens qui dominent tous les autres et résument une situation. Quand ce n’est point à l’intérieur, c’est à l’extérieur ; quand ce n’est point une de ces secousses révolutionnaires qui mettent en doute l’ordre général des sociétés, c’est un de ces incidens qui viennent mettre à l’épreuve la fragilité de la paix et de l’équilibre occidental. Un courrier qui arrive avec un message imprévu va faire osciller la Bourse, ce thermomètre des émotions, des espérances, des perplexités, et souvent des crédulités de l’opinion. Quelle est la préoccupation unique sous l’empire de laquelle tout le monde a vécu depuis quelques jours en Europe ? On le sait déjà, c’est la préoccupation de l’affaire d’Orient et du caractère nouveau qu’elle a semblé prendre tout à coup par la mission du prince Menschikoff à Constantinople. Ce point noir qu’on pouvait voir, dans ces derniers temps, monter à l’horizon, s’est soudainement transformé en un nuage presque menaçant. Les nouvelles étaient attendues chaque matin avec anxiété. Quel était le secret de cette mission extraordinaire du représentant du tzar ? Sous une forme ou sous l’autre, le prince Menschikoff ne portait-il point la parole suprême de déchéance pour l’empire ottoman ? L’anniversaire de la prise de Constantinople par les Turcs n’allait-il pas voir finir, à cinq siècles de distance, la domination de cette race toujours campée en Europe, selon l’expression de M. de Bonald ? Quelle serait l’attitude des autres puissances ? La flotte russe, en cinglant de Sébastopol, n’allait-elle point se rencontrer avec la flotte anglaise mandée de Malte, et avec les vaisseaux français partis de Toulon ? On va loin dans cette voie. Qu’il y ait eu dans tous ces récits, dans toutes ces hypothèses, des exagérations singulières, on n’en saurait douter, on ne peut même s’en