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main, bien avant dans la matinée, que le chevalier sortit de son sommeil léthargique ; mais à la place de cette superbe villa où il croyait avoir passé la nuit, il ne trouva que les ruines qu’il avait hantées chaque jour, et il s’aperçut avec effroi que la statue de marbre qu’il aimait tant était tombée du haut de son piédestal, et que sa tête détachée du tronc gisait à ses pieds.

Le récit qui va suivre présente à peu près le même caractère. — Un jeune chevalier qui, en compagnie de quelques amis, jouait à la paume dans une villa près de Rome, ôta son anneau qui le gênait, et le plaça au doigt d’une statue, afin qu’il ne se perdît pas. Le jeu ayant cessé, le jeune homme revint à la statue, qui représentait une déesse païenne ; mais, quel ne fut pas son effroi ! le doigt de cette femme de marbre s’était recourbé, et il ne pouvait retirer son anneau qu’en lui brisant la main, ce qu’une pitié secrète l’empêcha de faire. Il courut conter cette merveille à ses compagnons, les invitant à venir juger de l’événement par leurs propres yeux ; mais, à peine révenu avec eux près de la statue, il s’aperçut que le doigt de celle-ci s’était redressé, et que l’anneau avait disparu. Quelque temps après, notre chevalier se décida à recevoir le sacrement du mariage, et ses noces furent célébrées ; mais la nuit même du mariage, au moment où il allait se coucher, une femme qui, par sa taille et par ses traits, ressemblait parfaitement à la statue dont nous venons de parler s’avança vers lui et lui dit que l’anneau placé à son doigt les avait fiancés, et qu’il lui appartenait désormais comme époux légitime. En vain le chevalier se défendit contre cette singulière assertion : la femme païenne se plaça entre lui et celle qu’il avait épousée, toutes les fois qu’il voulut approcher de cette dernière, en sorte qu’il dut cette nuit-là renoncer à toutes les joies nuptiales. Il en fut de même pour la seconde et la troisième nuit. Le chevalier devint profondément soucieux. Personne ne put lui venir en aide, et les plus dévots eux- mêmes hochèrent la tête ; enfin il entendit parler d’un prêtre nommé Palumnus, qui avait maintes fois déjà rendu de bons services contre les maléfices des démons. Il alla donc le trouver ; mais le prêtre se fit prier longtemps avant de lui promettre assistance, parce que, prétendait-il, il exposerait sa propre personne aux plus grands dangers. Il finit cependant par tracer quelques caractères inconnus sur un petit morceau de parchemin, et par donner les instructions nécessaires à notre ensorcelé. D’après celles-ci, le chevalier devait se placer à minuit dans un certain carrefour, aux environs de Rome, où il verrait passer les plus bizarres apparitions ; mais il devait rester impassible et ne pas se laisser effrayer de ce qu’il pourrait voir ou entendre. Seulement, au moment où il apercevrait la femme au doigt de laquelle il avait placé son anneau, il aurait à s’avancer vers elle et à lui pré-