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À quelque distance du pénitencier est une maison pour les pauvres (alms-house). Ils sont bien logés, ont bon air et belle vue. Ceux qui peuvent travailler travaillent. En ce moment on bâtit un work-house qui sera un bâtiment magnifique. Je n’aime pas à m’arrêter dans les hospices d’aliénés : il me répugne d’être spectateur de cette misère qui s’ignore elle-même. Ce qu’il y a de plus douloureux, c’est qu’elle est souvent ridicule. J’ai vu en passant, dans l’hospice des aliénés de Blackwell-Island, une femme qui croit être le président des États-Unis.

De tous ces établissemens, le plus intéressant c’est l’asile des enfans dans l’île Randal. On y recueille les enfans que leurs parens ne peuvent soigner ou que l’on trouve dans les rues livrés à eux-mêmes. On les rend ensuite à leurs familles, si elles sont en état de s’en charger, ou bien on les place soit en apprentissage, soit chez des cultivateurs. En ce moment, il y a dans l’établissement 1,200 enfans ; il en passe ici 4,000 par an. Cette institution et les écoles ont eu pour résultat de supprimer cet être corrompu et dangereux qu’on appelle le gamin. Je ne me rappelle pas en effet l’avoir rencontré dans les rues de New-York. Rien n’est plus touchant que ces 1,200 enfans, bien soignés, bien propres, assis sur leurs petits sièges tout autour de salles vastes et aérées. J’ai eu un plaisir que je ne saurais rendre de voir manger avec l’appétit de leur âge après qu’un d’eux a prononcé la prière et tandis qu’un autre faisait la lecture pendant le repas avec un charmante gravité, puis chanter sous la direction de deux agréables jeunes filles. Une bonne dame, à l’air très maternel, les soigne, comme si elle était vraiment leur mère. Il est impossible de recevoir d’un établissement de charité une impression plus douce que celle qu’on emporte de l’Ile Randal.

Tout cet ensemble d’institutions utiles est dirigé par des gouverneurs : ce sont des négocians considérables de New-York qui donnent gratuitement une part de leur temps à l’administration de ces établissemens. En Angleterre, les grands propriétaires exercent des fonctions gratuites de ce genre ; mais en Amérique, où presque tout le monde est dans les affaires, où le temps, comme on dit, est de l’argent, il y a plus de mérite à donner ce temps au public et à ambitionner l’honneur d’être utile aux dépens de sa fortune. Les gouverneurs sont nommés par les électeurs. On choisit toujours les deux candidats qui ont réuni le plus de voix, ce qui permet en général aux deux grands partis politiques d’être représentés. Une fois nommés, les gouverneurs demandent à la ville ce qu’ils croient nécessaire pour les établissemens confiés à leur direction, et la ville est obligée de se taxer pour la somme qu’ils ont demandée.

Avant de quitter New-York, je cherche à me rendre compte de