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grand nombre de difficultés, cette réconciliation. Il fit le voyage d’Angleterre pour aller demander la consécration épiscopale, par l’imposition des mains, à l’archevêque de Cantorbéry, et revint fonder la communion épiscopale américaine, qui ne jouit, comme on pense bien, d’aucun privilège, mais qui est préférée par les classes élevées de la société, et qui possède dans le quartier élégant, de New-York une église à laquelle M. Hawkes est attaché.

De toutes les communions chrétiennes, ce sont les épiscopaux qui possèdent à New-York le plus grand nombre d’églises : ils en ont 46 ; il y en a 44 presbytériennes, 42 méthodistes, 35 baptistes, seulement 9 congrégationalistes (puritaines) et deux unitairiennes ; on y compte aussi 17 églises réformées allemandes et 22 églises catholiques. Pour célébrer le dernier anniversaire de la proclamation de l’indépendance, M. Hawkes a prononcé un discours politique selon l’usage. L’excitation qu’a produite dans les esprits l’attente de l’arrivée de Kossuth, la fièvre démocratique qui s’est allumée à cette occasion, ont inspiré à M. Hawkes un véhément discours de résistance. « Une lutte approche en Europe, a-t-il dit, non pas, comme on le répète, entre la liberté et le despotisme[1], mais entre le gouvernement et l’anarchie ; tous deux ont des armes et des échafauds, et cette page de l’histoire ne peut être écrite par Dieu que dans le sang ; l’Amérique, libre et heureuse, ne doit intervenir que par ses exemples, non par les armes. On parle de la souveraineté du peuple : n’y croyez pas ; le peuple n’est pas souverain, le souverain est toujours quelque part ailleurs : en Europe, dans un gouvernement despotique ou constitutionnel ; chez nous, Américains, dans un ensemble de principes raisonnables, et, comme tels, venus de Dieu, qui sont inscrits dans notre constitution. Cette constitution est le souverain. Si elle contient des principes faux, ils doivent être changés paisiblement et légalement, et remplacés par des principes vrais. Jusque-là, on doit la respecter et lui obéir… » Et passant à un autre sujet : « New-York, a-t-il ajouté, a cela de particulier, que c’est ici que se fait l’alliance de l’ancien monde et du nouveau. Chaque année, trois cent mille enfans de la vieille Europe, dépravés par l’ignorance et la servitude (nous n’avons jamais été ignorans ni serfs), sont jetés sur ces bords. La question est de savoir s’ils seront purifiés par nous, ou si nous serons viciés par eux, si nous infuserons un sang plus jeune et plus pur dans ces corps décrépits, ou s’ils infecteront nos veines de la corruption qui est en eux. Pourrons-nous, comme nos fleuves, nous débarrasser du limon déposé dans notre sein ? Un grand nombre de ces hommes est entièrement impropre à vivre ; selon nos institutions ; les rejetterons-nous ? Non, cela n’est pas dans le cœur américain.

  1. Ce discours a été prononcé au mois de septembre 1852.