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de dire ce qui s’est passé entre eux ; seulement il se loue beaucoup du prince, qui lui a depuis envoyé des livres[1].

Tel est le récit que m’a fait très sérieusement un homme fort considéré et qui a rempli de hautes fonctions dans son pays, M. J.-C Spencer. Je l’ai écrit immédiatement après l’avoir l’entendu, et n’ai qu’un doute : c’est si la veuve de Williams vit encore ou si elle est morte il y a peu de temps.

Le plus curieux de cette singulière histoire, c’est ce que répond Williams quand on lui demande ce qu’il pense de tout cela. « Vraiment, dit-il, cet ensemble de circonstances me frappe beaucoup, je ne sais comment l’expliquer ; mais ce qu’il y a de sûr, c’est que je ne veux pas être roi. » Ce dernier trait le sépare en tout cas des aventuriers qui se sont donnés pour le fils de Louis XVI et doit rassurer tout le monde, à moins que des fidèles que ce récit aurait convaincus de ses droits n’aillent chercher le pasteur méthodiste à Albany ou parmi ses sauvages, et ne le fassent roi malgré lui.


New-York.

Me voici de nouveau à New-York, et plus frappé que jamais du mouvement extraordinaire qui règne dans l’empire city. Il y a à ma connaissance trois grands spectacles donnés au monde par l’activité commerciale d’une ville : les navires dont la Tamise est comme encombrée entre Londres et Greenwich ; — les docks de Liverpool, remplis de marchandises qu’on embarque et qu’on débarque, qu’on entasse et roule sous des hangars s’étendant sur une ligne d’une demi-lieue, où arrivent des navires et des bateaux à vapeur de tous les pays, et d’où il en part sans cesse pour toutes les contrées île l’univers : — enfin les deux quais de New-York. qui suivent, l’un la rive de l’Hudson, l’autre le bras de mer appelé rivière de l’Est, et forment un immense coin dont la pointe regarde la mer, dans lequel la ville, comprimée à une de ses extrémités, va vers l’autre s’élargissant et s’étendant toujours, comme une matière en fusion déborde par l’ouverture d’un creuset. Le long de ces deux quais, on chemine pendant une heure entre une rangée de maisons et une rangée de navires, au milieu d’une population affairée qui pousse, qui trame, qui cloue, qui emballe, qui déballe, chacun à sa besogne, sans se parler, sans se heurter, chacun impassible et ardent, le visage calme et le pas agile, l’air froid et pressé. Quand on marche le long de ces quais, devant ces navires, à travers cette foule occupée et muette, on sent que New-York est bien la troisième ville commerciale du monde. En 1678, il n’en était pas tout à fait ainsi : on eût vu dans le port 3 vaisseaux,

  1. Ce dernier fait a évidemment peu d’importance, car il est fort naturel que le prince ait eu la curiosité de voir ce personnage, dont les journaux ont souvent parlé.