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de la science ; on l’a bien vu au temps de Galilée. L’église eut alors le malheur de condamner des vérités qui ont prévalu, et qu’elle-même n’a plus la pensée de combattre. Pourquoi épouserait-elle des doctrines scientifiques qui peuvent être démontrées fausses ? Que gagnerait-elle à compromettre ses dogmes dans la lutte des systèmes qui se succèdent et se renversent ? D’autre part, la science n’a point à chercher d’appui hors d’elle-même et à prouver que ses doctrines ont leur base dans la Bible. Si Galilée eut un tort, ce fut celui-là. Que la science se tienne sur son terrain, qu’elle arrive à l’évidence par l’observation et le raisonnement, et il faudra bien qu’on admette ce qu’elle aura prouvé. La foi et la raison sont deux puissances distinctes qui peuvent se prêter un mutuel appui dans l’ordre de vérités qu’elles s’accordent à proclamer ; mais pour L’homme le plus croyant, là où la foi ne prononce point, la raison est libre ; in dubiis libertas, c’est la devise de l’église catholique. De plus, le savant doit prendre garde de ne point fausser la science pour vouloir la retrouver à toute force dans la bible. S’il n’est pas nécessaire à la vérité du christianisme que Josué connût la théorie de Copernic, la théorie de Copernic n’en demeure pas moins vraie, bien qu’elle ne se trouve pas dans le Livre des Rois : il n’est pas non plus nécessaire que Moïse ait été géologue, et la géologie n’a pas besoin de retrouver ses découvertes dans un chapitre de la Genèse, qui n’est point un traité de géologie.

Tout le monde ne pense pas ainsi en Amérique : la géologie et la Bible y sont sans cesse mises en présence, soit pour anathématiser la première au nom de la seconde, soit pour les concilier, et, par ce côté, la géologie parle puissamment aux esprits dans ce pays, où la passion religieuse se mêle à tout, sauf à la politique, où les discussions philosophiques ne se trouvent guère que dans les écrits des théologiens, et où il est à peu près impossible de fonder une association philanthropique, un établissement d’éducation ou un recueil littéraire sans s’appuyer sur la religion. On peut s’étonner qu’il en soit ainsi chez un peuple si positif ; mais le fait existe. Qu’on s’en rende compte comme on pourra, quand on devrait dire, pour l’expliquer, que la religion est la grande et heureuse inconséquence de la société des États-Unis. La géologie intéresse encore les Américains sous un autre rapport, elle est étroitement liée aux arts utiles, elle peut guider dans l’exploration des mines de métaux précieux, dans l’exploitation des amas de houille, enfin depuis quelques années, surtout en Angleterre ! , on commence à étudier avec succès les applications de cette science à l’agriculture. C’est surtout sous ce rapport qu’elle a excité en Amérique la sollicitude de plusieurs états qui ont fait faire des relevés géologiques de leur territoire : l’état de Massachusets l’a entrepris avec succès ; l’état de New-York a fait exécuter avec