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l’un à l’autre toute la nuit, j’ai insisté auprès de ce petit drôle, et j’ai eu ma clé.

En continuant à remonter l’Hudson après West-Point, les rives du fleuve s’aplatissent d’abord, puis elles se relèvent, et la vue est presque constamment belle jusqu’à Albany. On a souvent le spectacle de deux rangées de montagnes élevant l’une derrière l’autre leurs dos bleuâtres. En raison des détours du fleuve et de l’inégalité de largeur de son cours, il semble qu’on va de lac en lac en suivant des détroits sinueux à travers des bords escarpés. L’endroit où l’on coupe la chaîne des Alleghanys offre un des plus magnifiques aspects qu’on puisse contempler sur un beau fleuve coulant entre de grandes montagnes. Enfin on arrive à Albany, capitale politique de l’état de New-York. J’y suis venu pour admirer jusque-là les bords de l’Hudson, voir une collection géologique, résultat précieux du grand travail entrepris par l’ordre de l’étal de New-York, retrouver M. Jonhson, secrétaire de la société d’agriculture, avec lequel j’ai passé d’Europe en Amérique, et remettre une lettre de M. de Tocqueville à M. Spencer, qui a publié une traduction de son livre avec des notes. J’imagine que dans tout cela je trouverai moyen d’apprendre quelque chose à Albany.


Albany.

Je pourrai faire en même temps ma visite à la géologie et à l’agriculture, car le musée géologique se trouve dans le bâtiment où réside la société d’agriculture, et où elle a aussi son musée.

La géologie est de toutes les sciences celle qui est la plus populaire aux États-Unis, car elle touche aux deux grands intérêts de la société américaine, — la religion et la richesse. Les résultats qu’a atteints cette science depuis qu’elle est devenue une étude positive, la découverte de ces créations successives, séparées par les grands cataclysmes qui ont bouleversé la surface du globe, changé la forme des continens, déplacé les rivages des mers et le cours des fleuves, toutes ces magnifiques conquêtes de l’esprit humain, qui sont un des plus beaux témoignages de sa grandeur, ont soulevé une vive opposition dans une portion du clergé des États-Unis, sans raison, ce me semble, comme le reconnaissent, ainsi que je l’ai déjà dit, les hommes les plus éclairés et les plus convaincus, tant parmi les protestans que parmi les catholiques, toute cette histoire des révolutions de la nature est antérieure à l’histoire de l’homme et n’a rien à démêler avec elle ; on devrait aussi reconnaître, comme le font ceux dont je viens de parler, que la Bible est un livre religieux, et non un livre scientifique. Le seul moyen qu’ait la religion d’être toujours à l’abri des progrès de la science, c’est de rester en dehors des hypothèses