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c’est celui qu’il publia sous le titre des Espérances de l’Italie. Ce n’était point seulement une œuvre de talent, c’était un acte de courage, qui devait exciter la sympathie des peuples, mais qui pouvait aussi mettre l’auteur en suspicion auprès des gouvernemens par les idées qu’il exprimait. Les Espérances de l’Italie ont été un des symboles du libéralisme italien. Aussi, dès les premiers momens où le roi Charles-Albert eut la pensée de fonder le régime constitutionnel en 1848, le comte Balbo était un des premiers hommes désignés au pouvoir. Il s’associait à cette œuvre libérale et à la guerre de l’indépendance contre l’Autriche, Balbo ne restait pointant que quatre mois ministre ; depuis, il ne l’a plus été, il a même refusé le pouvoir qui lui était offert lors de la crise qui a amené M. de Cavour au ministère. Comme il arrive toujours, le comte Balbo avait été singulièrement dépassé, dans les dernières années révolutionnaires. Quant à lui, il était resté ce qu’il était d’abord, essentiellement monarchique et conservateur en même temps que partisan du régime constitutionnel, essentiellement religieux en ne repoussant aucune réforme légitime, pourvu qu’elle s’accomplit sans violence et dans les limites de la justice. Et après tout n’est-ce point là encore la mesure d’opinion dans laquelle le régime constitutionnel peut le mieux s’affermir dans le Piémont comme ailleurs ?


Il était difficile que les événemens dont la Turquie est depuis quelque temps le théâtre n’eussent point de retentissement dans le royaume de Grèce, en raison des intérêts divers et des passions que l’attitude de la Russie a mis en jeu dans tout l’Orient. Les organes de l’opinion en Grèce n’ont pas tous sainement jugé cette situation grave ; mais, si quelques vues fausses et périlleuses se sont produites, il y a eu place aussi pour des appréciations plus justes, et nous en trouvons la preuve dans l’écrit très intéressant d’un Hellène intitulé : Quelques mois sur la question d’Orient.

En examinant de près cet écrit, nous aurions, à la vérité, à y reprendre en quelques points, et, avant de relever ce qui nous en paraît excellent, nous sommes obligés de commencer par la critique. L’auteur, nous le regrettons, n’a pas su éviter le reproche d’intolérance qu’ont encouru d’autres écrivains de son pays. Nous ne ferons point ressortir l’ingratitude, qu’il y aurait de la part des Grecs envers la France à témoigner à l’église catholique un injuste esprit d’exclusivisme. Il nous suffira de dire que le catholicisme ne prête en Grèce à aucune des accusations dont il a été dans ces derniers temps l’objet dans des publications notoirement au service de la propagande étrangère. S’il y avait, à revenir sur la question des lieux saints, heureusement résolue, il ne serait que trop facile de prouver que les revendications de l’église catholique n’étaient point des envahissemens, et que les Latins, loin d’être en cette occasion les agresseurs, n’avaient songé qu’à se défendre. Quant à l’influence des missions catholiques dont les Grecs paraissent s’inquiéter, elle est nulle dans le royaume de Grèce. Ceux qui déclament contre cette influence seraient bien embarrassés de prouver qu’elle ait fait une seule conversion sur ce terrain. Nos lazaristes établis à Santorin et à Naxie ne sortent jamais de leurs îles, et ils se bornent à vaquer au soin de leur troupeau catholique. Quant aux sœurs qui sont fixées à Santorin, les Grecs pourraient-ils méconnaître les services si grands qu’elles leur rendent avec tant de désintéressement ?