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du crâne, mais par le volume du cerveau et par la place qu’occupe le trou occipital ; qu’un os dans le talon du nègre se rapproche ou non du même os chez les singes, — les noirs comme les blancs pensent et veulent, et les blancs n’ont pas le droit de les considérer comme des choses quand Dieu en a fait des personnes. Chaque portion de la grande famille humaine a des aptitudes diverses. Certaines facultés sont plus développées chez quelques-unes, moins chez d’autres. On ne saurait nier qu’il n’existe entre elles une inégalité de facultés, en même temps qu’elles offrent une complète égalité de nature. Les nègres ne paraissent pas avoir la même énergie d’intelligence et de volonté que les blancs. Par la mobilité, la légèreté, l’insouciance du lendemain, ils ressemblent aux enfans ; comme les enfans, ils peuvent être cruels. L’abbé Grégoire, qui a écrit un livre sur la Littérature des Nègres, ne cite rien qui prouve chez eux un véritable instinct poétique. Toussaint-Louverture est le seul noir qui ait montré un grand caractère. Il n’en est pas de même des mulâtres. Ceux-ci n’ont plus rien des qualités enfantines et affectueuses des nègres ; ils sont énergiques et intelligens. Le mélange du sang serait la véritable manière de perfectionner la race noire. Par les mariages, au bout de quelques générations, elle s’absorberait dans la race blanche. Malheureusement il existe sur ce point aux États-Unis une antipathie qui se conçoit sans peine, et les partisans les plus zélés de la race nègre, les dames abolitionistes surtout, n’auront jamais à cet égard le courage de leur opinion. Que reste-t-il donc à faire ? On retombe dans les difficultés dont j’ai déjà parlé ; en avançant dans le pays, en me pénétrant d’une horreur toujours croissante pour l’esclavage, après avoir interrogé les hommes d’état qui gémissent le plus de ce fléau de leur patrie, je ne vois pas plus que le premier jour un moyen pratique de s’en délivrer. Cependant ce moyen se trouvera, parce qu’il faut qu’il se trouve. On finit quelquefois par découvrir un remède pour les maladies qui semblaient incurables.

Ce qu’il importe de repousser et de flétrir, ce sont les sophismes par lesquels on voudrait défendre une institution détestable et funeste. Dites que les maîtres cruels sont rares, que la mortalité est moins grande chez les noirs esclaves que chez les noirs libres ; dites que parmi les philanthropes d’Europe il en est qui hésiteraient à sacrifier leur fortune et le patrimoine de leurs enfans ; que le congrès n’a pas constitutionnellement le droit d’imposer l’affranchissement ; qu’en supposant possible le rachat des esclaves par les états, trois millions de nègres affranchis jetés dans une société comme celle des États-Unis serait un grand péril ; mais ne niez pas que le travail forcé, un travail très rude surtout pendant les trois ou quatre mois que dure chaque année la fabrication du sucre, imposé à des créatures humaines ;