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en glissant le long des contours du corps, affermissent les lignes générales et en complètent l’harmonie. Cette draperie est à elle seule un morceau de maître. D’autres artistes peut-être eussent pu l’exécuter avec la même délicatesse de ciseau ; en citerait-on beaucoup qui l’eussent si largement ajustée sans lui ôter de sa souplesse ? La statue de la Vérité place M. Cavelier aux premiers rangs parmi les sculpteurs de notre époque, et, pour ne parler que de ceux qui ont exposé leurs ouvrages au salon, il n’en est pas dont le talent autorise d’aussi sérieuses espérances.

Si la noblesse du goût et la forte manière de M. Cavelier ne se rencontrent pas dans les différens morceaux de sculpture qui remplissent les galeries de l’exposition, quelques-uns cependant ne sont dépourvus ni d’élégance ni de charme. L’Abandon, par M. Jouffroy, est une œuvre consciencieusement étudiée à laquelle il n’a manqué peut-être, pour devenir tout à fait belle, qu’un peu plus de grandeur dans le style. La Bacchia de M. Barre, l’Enfant jouant avec une Tortue par M. Hébert, les Groupes de MM. Jean Debay et Lequesne, un très bon Buste de Dalayrac par M. Jaley et deux bustes de femmes par M. Diébolt méritent à des degrés divers d’être remarqués ; mais en général on ne voit que des études plus ou moins habilement exécutées là où l’on s’attendrait à trouver des compositions. Parfois même, — et les bustes sculptés par MM. Leveel et Clesinger en font foi, — la sculpture s’inspire des exemples de Coysevox, et cherche à se passer du calme et de l’harmonie linéaires, indispensables pourtant à toute œuvre du ciseau. Un seul ouvrage réellement distingué, le Printemps, par M. Loison, ressort au milieu de tant de travaux d’un ordre ou d’un mérite secondaires, et s’il n’est pas empreint, comme le marbre de M. Cavelier, de force et de maestria, il respire plus qu’aucun autre la grâce, la finesse et la pureté du style. Le Printemps tel que l’a personnifié M. Loison est une jeune fille ajustée comme la plupart des figures antiques de Psyché ou de Vénus, c’est-à-dire ayant le torse nu et le bas du corps couvert d’une draperie qui vient se nouer à la hauteur des hanches ; la main gauche soutient cette draperie et des fleurs sur lesquelles s’est posé un papillon que la main droite va saisir. L’invention de la figure n’est, on le voit, ni très neuve ni très significative, et cette statue représenterait à la rigueur l’Innocence ou la Candeur tout aussi bien que le Printemps ; mais à la prendre seulement comme un gracieux type de jeune fille, on ne peut que louer la suavité des lignes, la délicatesse du modelé et ce caractère de beauté adolescente que chaque forme exprime. La tête, un peu baissée et dans un mouvement souple qui laisse voir toute l’élégance du col, rappelle la tête charmante de la Psyché de Naples, sans que l’analogie, accuse un parti pris d’imitation. Les épaules, les bras, la poitrine, sont exécutés avec une exquise sobriété de ciseau ; nulle trace de négligence, nulle ostentation d’habileté. Le Printemps nous montre clairement tout ce qu’il y a de distinction et de grâce dans le talent de M. Loison. Puisse ce talent rester dans ses limites naturelles et ne pas chercher, à l’exemple de tant d’autres, la majesté et le style sévère, au risque de tomber dans la convention académique ! Quant à l’influence réaliste, nous croyons qu’il serait le dernier à la subir.

M. Ottin, au contraire, accepte un des premiers cette influence, et il ne craint pas de mettre un talent, jusqu’ici mieux inspiré, au service de doctrines