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pour l’arrêter sur cette pente de dissolution où il est depuis quelques années.

La Chine aussi semble à la veille d’une crise suprême. Le voile mystérieux qui cachait aux regards de l’Europe la situation intérieure de ce vaste empire vient de se déchirer tout à coup. Une révolte formidable a éclaté dans la province de Kwang-si, voisine de Canton ; puis, gagnant de proche en proche, elle s’est avancée jusque sous les murs de Nankin. Les généraux de l’empereur ont été battus ; les principales villes sont tombées au pouvoir des rebelles. Les communications entre le nord et le sud se trouvent interrompues ; en un mot, le pays parait être complètement désorganisé, et la dynastie tartare court les plus grands périls. Dans cette extrémité, le gouvernement s’est vu réduit à implorer l’assistance des étrangers, et les mandarins de Shanghai ont supplié les consuls d’expédier au secours de Nankin les navires de guerre dont on pouvait disposer. Que sont devenus les vieux préjugés, les antiques traditions chinoises ? Hier encore, les Européens étaient orgueilleusement traités de barbares, dont la clémence inépuisable de l’empereur tolérait la présence dans quelques ports de la côte ; aujourd’hui ces barbares sont les arbitres des destinées du Céleste Empire. On leur livre les clés de la Chine ; on les invite, eux et leurs canons, à envahir le territoire et à remonter le Yang-tse-kiang jusqu’à Nankin. N’est-ce pas un rêve ? C’est, à coup sûr, une révolution. Le gouverneur de Hong-kong, sir George Bonham, s’est rendu en toute hâte à Shanghai, où il a été rejoint par le colonel Marshall, ministre des États-Unis. La corvette française le Cassini était également dans ce port, en sorte que les trois principales puissances qui entretiennent des relations avec la chine se trouvent représentées sur le théâtre des évènemens et peuvent concerter leur action dans l’intérêt commun. Céderont-elles aux sollicitations pressantes des mandarins, et jugeront-elles à propos d’intervenir dans une querelle purement intestine, dont l’origine et le caractère ne sont pas encore bien déterminés ? Cela est douteux. Le ministère anglais a déclaré au sein de la chambre des communes qu’il avait prescrit au gouverneur de Hong-kong d’observer la plus stricte neutralité. L’Europe n’est pas tenue d’éprouver une grande sympathie pour les Tartares-Mantchoux ; si les rebelles venaient à triompher et proclamaient la restauration de la dynastie chinoise, elle ne perdrait peut-être pas au change. Le plus sage est donc d’attendre le dénoûment qui sans doute est proche. Les généraux du prétendant Taï-ping annoncent qu’après la prise de Nankin ils se dirigeront vers la capitale pour Frapper le dernier coup.

C. DE MAZADE.


On nous écrit de Russie que M. Ph. Chasles, professeur au Collège de France, l’un des conservateurs de la Mazarine, adresse depuis deux ans bientôt, à la Gazette de Saint-Pétersbourg, une correspondance, traduite et publiée en russe, où il passe en revue les écrivains français qu’il maltraite à plaisir. La Revue des Deux Mondes, son directeur et ses collaborateurs ont l’honneur tout spécial des attaques de M. Chasles. Nous venons d’intenter à M. Chasles, devant les tribunaux français, une action en réparation des attaques graves qu’il dirige à 500 lieues de Paris, en langue russe, avec sa signature, contre un recueil auquel, depuis plus de trois ans, il a cessé d’appartenir.


V. DE MARS.