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le nom de nullification, le droit des états à récuser l’autorité du congrès, et par là jeta les germes d’un conflit qui s’est reproduit depuis, au grand danger de l’Union. À Jefferson succéda Madison, l’un des fondateurs, dans le Fédéraliste, de la politique gouvernementale qui porte ce nom ; mais depuis il dériva toujours vers le parti contraire, suivant avec mesure Jefferson, dont il était l’admirateur et l’ami. Il écrivit contre son ancien collaborateur du Fédéraliste, Hamilton, les Lettres d’Helvidius, pour contester au président le droit de déclarer la guerre ; il combattit l’acte de sédition et la loi sur les étrangers, mesures conservatrices que Washington obtint du congrès, il admit le droit dangereux de nullification, et enfin devint l’idole du parti démocrate en faisant la guerre à l’Angleterre, et en la faisant heureusement. Monroe, qui vint après Madison, avait combattu aussi jusqu’à un certain point la politique des fédéralistes. Il appartenait au parti démocrate ; un homme de ce parti pouvait seul arriver à la présidence, quand la guerre avec l’Angleterre et le succès de cette guerre en avaient assuré le triomphe. La double présidence de Monroe vit expirer le parti fédéraliste, au moins sous son ancien nom. C’est alors que ceux qui s’y rattachaient commencèrent à adopter la désignation de whigs. Ces dénominations des partis américains sont singulières. Le mot fédéraliste y exprimait précisément le contraire de ce qu’il signifie en France pendant la révolution, et les whigs sont les tories de l’Amérique.

Les démocrates et les whigs, appelés à lutter sans cesse depuis, ne se firent pas une rude guerre sous la présidence pacifique de Monroe ; lui-même avait été démocrate dans l’opposition, et le fut encore un peu après son élection à la présidence, quand par exemple il combattait le droit du congrès à établir des voies de communication et des écoles ; il le fit du reste sans violence et sans acharnement, car il déclara que la constitution devait être amendée sur ce point, et il finit par reconnaître que le congrès pouvait approprier les sommes nécessaires pour ces objets d’utilité publique. L’époque de son administration fut une trêve entre les querelles ardentes des partis, que les passions, excitées d’abord par une constitution à fonder et par le contre-coup des luttes européennes, n’agitaient plus. On appelle ce temps l’ère des bons sentimens, les jours calmes[1]. Les démocrates, dans leur sécurité et en présence d’adversaires qui semblaient désarmés, concoururent à des actes qu’ils ont vivement combattus depuis : le rétablissement d’une banque centrale, et un tarif protecteur. Sous Quincy Adams, fils du second président, ancien démocrate devenu whig modéré, les États-Unis continuèrent à se développer

  1. Halcyon days.