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parlé de l’oligarchie de la Caroline du sud, état dans lequel c’est la législature et non la majorité des citoyens qui nomme le président de l’Union et le gouverneur, voici un député de la Caroline du sud qui se lève furieux et s’écrie « qu’on n’a pas le droit de censurer la constitution particulière d’un état, que cette constitution est comme la religion. Qui se permettrait, dit-il, de reprocher à la Louisiane ou au Maryland d’être catholique ? Après la religion, la loi. » Tout ce discours était une vigoureuse protestation du sentiment le plus ardent, le plus irritable de tous les sentimens politiques dans ce pays, — l’indépendance, l’autonomie des états. Après quelques paroles amères contre le Texas et son représentant, le fougueux orateur se rassied en grondant, et repousse la main que lui tend M, Houston. Évidemment celui-ci était bien aise de montrer, dans l’intérêt de sa candidature présidentielle, qu’il n’était pas un homme de violence, comme pourrait le faire croire la première partie de sa carrière, et peut-être ses adversaires auraient été charmés de déterminer chez lui quelque explosion de colère qui pût effrayer sur son caractère ; mais il ne leur a point donné cette satisfaction, et l’Achille du Texas a montré le calme d’Ulysse, modérant son courroux et disant : « Supporte encore cela, ô mon cœur ! » tandis que pleuvaient sur lui les insultes des prétendans.

Le 1er janvier, on va faire une visite au président. La porte est ouverte à tous ceux qui se présentent. Cela fait une assez grande foule, on se presse comme chez nous pour entrer à une séance extraordinaire de l’Institut, pas davantage. Quoiqu’il n’y ait rien de prescrit, je n’ai vu personne qui ne fût mis convenablement. J’avais lu dans un voyage aux États-Unis que cette réception était une affreuse cohue, et entre autres exemples du désordre qu’il disait y régner, l’auteur racontait qu’un père de famille avait imaginé de placer ses deux filles sur la cheminée, afin qu’elles pussent mieux jouir du coup d’œil. Rien de semblable ne m’a frappé. Une fois échappé à la presse qui a lieu à l’extérieur et sous le vestibule, on est introduit dans un premier salon, d’où l’on entre dans celui où se trouve le président, qui est debout ; on lui donne une poignée de main, on salue Mme la présidente, et l’on passe dans un troisième salon, très grand, où l’on se promène quelque temps. J’y suis resté une heure, et n’ai rien surpris qui s’écartât de la plus parfaite convenance. Ce n’est la faute de personne, tout au plus la mienne, si, dans la presse du dehors, on m’a pris ma bourse dans ma poche. Je mentionne ce petit fait seulement pour avertir les étrangers qui, se trouvant le 1er janvier à Washington, iraient à la cour, de prendre leurs précautions.

Kossuth est arrivé. Il est descendu sans bruit à l’hôtel. Il n’est plus question de cette réception enthousiaste de New-York, de cette