Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 2.djvu/1009

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de M. Webster, quand M. Clay, l’Aristide de cette république, venait opposer l’énergie de son langage et l’intégrité de sa politique et de sa vie aux violences des partis. En ce moment, M. Clay est à Washington, mais mourant ; M. Calhoun ne vit plus, M. Webster est ministre, et, comme tel, l’entrée du congrès lui est fermée ; mais, à défaut de ces grands héros du passé, j’ai entendu quelques-uns des hommes dont le nom commence à être prononcé parmi ceux des candidats à la présidence future, entre autres MM. Houston et Douglas, tous deux du parti démocrate.

M. Houston est un homme du Tennessee, qui, dans sa jeunesse, a quitté cet état pour aller passer plusieurs années au milieu des Indiens, puis a été le principal agent de la formation du Texas. Tandis qu’il guerroyait contre les Mexicains, le général Houston a eu la bonne fortune de battre Santa-Anna et de le faire prisonnier. C’est un homme célèbre, par l’audace de son caractère. Quelques-uns craindraient de retrouver en lui un second Jackson et un appui pour le parti de la guerre ; d’autres assurent que le fougueux chef de bandes, le demi-sauvage d’autrefois, ferait aujourd’hui un président très sage. Tout ce que je puis dire, c’est que j’ai été témoin, au sénat, du grand empire que M. Houston peut exercer sur lui-même. Il avait, dans un discours, excité la colère de M. Foote, gouverneur du Mississipi, que j’ai entendu parler plusieurs fois, toujours avec beaucoup de violence. Celui-ci a mis dans sa réponse une extrême âpreté, accusant M. Houston de vouloir scinder et par là détruire le parti démocrate dans des vues personnelles, de faire alliance avec les free soilers pour se ménager un chemin à la présidence ; l’attaque ne pouvait être plus véhémente et plus directe. M. Houston a répondu avec un grand calme, avec cette douceur un peu dédaigneuse d’un vieux soldat qui ne veut pas de querelle ce jour-là. Il s’est plaint des accusations lancées contre lui et désavouées tour à tour, disant que, lorsqu’il attaque, il le fait franchement et sans mauvaise humeur (in a good humoured way) ; il a fini en racontant, et en racontant très bien, l’histoire d’un curé (parson) grand trouble-fête. « On alla le chercher au ciel, il n’y était pas, puis au purgatoire ; le gardien du lieu reçut très poliment les visiteurs (on rit), et répondit : Celui que vous cherchez, mettait tout le purgatoire en désordre ; mais il a rompu sa chaîne, et je n’en ai plus de nouvelles. » Le mérite assez mince de cette petite histoire était relevé par l’expression de bonhomie railleuse qu’elle prenait dans la bouche du formidable chef texien, provoqué jusqu’à l’outrage et raillant avec calme un adversaire frémissant. Celui-ci, prenant l’anecdote au tragique, s’est écrié à propos de la chaîne de l’enragé du purgatoire : « M. Houston ne m’enchaînera pas. » Puis, comme dans le débat celui-ci avait