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Les journaux anglais ont à supporter des frais énormes : il serait trop long de les énumérer tous, et nous devrons nous borner à en indiquer les principaux. Nous rencontrons en premier lieu les frais préalables, et d’abord le droit sur le papier, qui, tout modique qu’il soit en apparence, n’en constitue pas moins un impôt fort lourd pour les journaux, à cause des quantités de papier considérables qu’ils consomment. Ce seul droit sur le papier est pour le Times une charge de 1,500 francs par jour ou de 400,000 francs par an. Vient ensuite le timbre, qui fait office de droit de poste et qui s’élève à 1 penny, c’est-à-dire à 10 centimes par numéro. Comme ces deux impôts s’acquittent en quelque sorte journellement et d’avance, ils exigent de la part des journaux un fonds de roulement considérable qui est un premier obstacle à la multiplication des feuilles quotidiennes. Il est juste cependant de remarquer que le Times est presque seul à faire timbrer directement son papier, et que les autres journaux achètent habituellement leur papier tout timbré, en sorte que c’est le marchand de papier qui fait les avances. Le droit sur les annonces, qui est de 1 shilling six pence ou 1 franc 80 centimes par annonce, ne pèse en apparence que sur le public qui l’acquitte; mais il n’en est pas moins funeste aux journaux, parce qu’il porte à 2 shillings et demi, c’est-à-dire à plus de 3 francs le prix d’une annonce de deux lignes, et qu’il empêche ainsi les petites bourses de recourir fréquemment à la publicité. En outre, quand les annonces sont si coûteuses, le public ne se borne pas à en faire moins souvent, il cherche avec raison à tirer le meilleur parti possible de sa dépense, et il ne porte ses annonces qu’aux journaux qui sont le plus répandus et où il est assuré qu’elles seront lues par un plus grand nombre de personnes. Il en résulte qu’un journal qui se fonde ne doit compter sur aucune annonce avant d’avoir prouvé sa vitalité par plusieurs années d’existence, et d’avoir acquis une certaine popularité; encore ne doit-il espérer que le superflu des autres journaux. Il ne faut pas être grand calculateur en effet pour s’apercevoir qu’une annonce de 3 francs mise dans un journal où elle a chance d’être lue par cinq mille personnes, et dans un journal qui a trente mille lecteurs, coûte en réalité six fois plus cher dans le premier que dans le second. Par conséquent, toute personne qui n’aura qu’une seule annonce à faire la portera au journal qui a la clientèle la plus nombreuse. C’est ainsi que le droit sur les annonces a contribué puissamment à créer l’espèce de monopole dont le Times est investi. Les journaux sont tenus d’acquitter jour par jour le droit sur les annonces; ils doivent, en faisant leurs versemens, remettre aux employés du bureau du Revenu deux exemplaires de leur numéro, pour servir de moyen de vérification et de pièces de conviction en cas de fraude.

L’inconvénient le plus grave des charges que nous venons d’énumérer est de nécessiter une mise de fonds considérable; mais ce que le journal verse chaque matin au trésor, sous la forme de droit de timbre et de taxe sur le papier et sur les annonces, lui est remboursé dans la journée par le public. Il est d’autres frais bien plus onéreux, qui sont invariables de leur nature, et que le journal doit supporter également, soit qu’il n’imprime qu’un seul numéro, soit qu’il ait plusieurs milliers d’acheteurs : ce sont les frais de rédaction et d’impression. Ces frais se sont démesurément accrus depuis quelques années. Nous savons ce que le Public Advertiser coûtait de rédaction