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de l’ambassade de France, un billet renfermant un diamant estimé 6,000 liv., dans l’intention que M. d’Éon l’instruirait d’une affaire fort intéressante qui se tramait alors à Saint-Pétersbourg. Celui-ci se fit un devoir de confier le billet et le diamant à M. le marquis de l’Hospital, ambassadeur, et de reporter ledit diamant au comte de Poniatowski, qui, de colère, le jeta dans le feu. M. de l’Hospital, touché de l’acte honnête de M. d’Éon, en écrivit au cardinal de Bernis, qui promit de lui faire accorder par le roi une gratification de pareille somme pour récompense de sa fidélité ; mais M. le cardinal de Bernis ayant été déplacé et exilé, le sieur d’Éon n’a jamais reçu cette gratification qu’il se croit en droit de réclamer, ci : 6,000 liv.


N’est-ce pas une bonne plaisanterie que cette histoire d’un diamant de 1757 reparaissant dans un mémoire de 1774 ? — Passons à un autre article.


« M. le comte de Guerchy, dit d’Éon, a détourné le roi d’Angleterre de faire à M. d’Éon le présent de mille pièces qu’il accorde aux ministres plénipotentiaires qui résident à sa cour, ci : 24,000 liv.

« Autre article. — Plus, n’ayant pas été en état, depuis 1763 jusqu’en 1773, d’entretenir ses vignes en Bourgogne, M. d’Éon a non-seulement perdu mille écus de revenu par an, mais encore toutes les vignes, et croit pouvoir porter cette perte à moitié de sa réalité, ci : 15,000 liv.

« Plus M. d’Éon, sans entrer dans l’état qu’il pourrait produire des dépenses immenses que lui a occasionnées son séjour à Londres depuis 1763 jusqu’à la présente année 1773, tant pour l’entretien et la nourriture de feu son cousin et de lui que pour les frais extraordinaires que les circonstances ont exigés, croit devoir se borner à réclamer ce qu’exige à Londres l’entretien d’un ménage simple et décent dans lequel on se limite aux frais et domestiques nécessaires ; ce qu’il évalue en conséquence à la modique somme de 450 louis ou 10,000 livres tournois par an, ce qui fait, pour lesdites dix années, ci : 100,000 liv.


Il est à noter que depuis 1766 d’Éon touche 12,000 livres de pension par an. Le valet du Joueur, dans Regnard, présente un compte de dettes actives qui ne vaut certainement pas celui-là. Tout le reste est de même force, et l’ensemble des créances de l’ingénieux chevalier s’élève ainsi à la modique somme de 316,477 livres 16 sous. D’Éon demande de plus que sa pension de 12,000 livres soit convertie en un contrat de rente viagère de même somme. On lui avait envoyé successivement deux négociateurs pour obtenir la remise de ses papiers à des conditions moins exorbitantes ; l’un d’eux, M. de Pommereux, capitaine de grenadiers, et comme tel doué d’une rare intrépidité, avait été jusqu’à proposer à ce capitaine de dragons, qui passait pour femme, de l’épouser. D’Éon ne voulant point démordre de ses prétentions, on avait pris le parti de laisser tomber la négociation, lorsqu’en mai 1775 le chevalier, apprenant que Beaumarchais était à