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pour n’obtenir qu’un produit moyen de 100 fr., et en Irlande 60 ; d’où il suit que le travail en Angleterre devait être beaucoup plus productif qu’en France, et en France qu’en Irlande.

Ces données générales sont confirmées par les faits de détail. En Angleterre, la moyenne du salaire rural pour les hommes était, avant 1848, de 9 à 10 shillings par semaine ou 2 francs par jour de travail, et en valeur réduite, 1 franc 60 centimes. Sur les points les plus riches, cette moyenne s’élevait à 12 shillings ou 2 francs 50 centimes par jour de travail, et en valeur réduite, 2 francs. Sur les points les moins riches, elle tombait à 8 shillings, ou un peu plus de 1 franc 50 centimes par jour, et en valeur réduite, 1 franc 25.

Dans la Basse-Ecosse et le pays de Galles, la moyenne des salaires était de 8 shillings par semaine ou de 1 franc 25 centimes, valeur réduite, par jour de travail. Dans la Haute-Ecosse et les trois quarts de l’Irlande, la moyenne était de 6 shillings par semaine, ou, en valeur réduite, 1 franc par jour de travail. Dans l’ouest de l’Irlande, la moyenne tombait à 4 shillings, soit 70 centimes par jour.

En France, la moyenne du salaire rural des hommes doit être de 1 franc 25 centimes à 1 franc 50 par jour de travail. Sur certains points, il s’élève à la hauteur du salaire anglais ; sur d’autres, il tombe au niveau du salaire irlandais.

Des considérations de l’ordre le plus grave se rattachent à cette question des salaires ; j’y reviendrai. Il me suffit pour le moment de constater que, grâce à la réduction de main-d’œuvre, qui forme une des bases de leur système agricole, les Anglais avaient pu élever chez eux le niveau des salaires en même temps que celui des rentes, des profits, des impôts et des frais accessoires, mais dans une moindre proportion. L’Irlande et l’Ecosse faisaient exception.

En sus de la somme annuellement consacrée aux salaires, et qui s’élevait, pour la seule Angleterre, à plus de 700 millions de valeur nominale, les classes ouvrières rurales de ce pays trouvaient encore une grande ressource dans la taxe des pauvres, qui n’est, en définitive, qu’un supplément de salaire, et qui venait accroître de 150 millions leur dotation annuelle.

Du reste, il suffit d’entrer, en Angleterre, dans un cottage de paysan, et de le comparer à la chaumière de la plupart de nos cultivateurs, pour sentir une différence dans l’aisance moyenne des deux populations. Bien que le paysan français soit souvent propriétaire et ajoute ainsi un peu de rente et de profit à son salaire, il vit moins bien en général que le paysan anglais. Il est moins bien vêtu, moins bien logé, moins bien nourri ; il mange plus de pain, mais ce pain est assez généralement fait avec du seigle, avec un supplément de maïs, de sarrasin et même de châtaignes, tandis que le pain