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au moins 100,000 francs de capital, tandis qu’il suffit de 30,000 fr. pour les avoir comme fermier.

Viennent enfin les salaires » - Ici l’avantage paraît être du côté de la France, en ce sens que la France emploie en salaires une part du produit brut plus considérable que le royaume-uni ; mais cette question des salaires est très complexe, et, quand on l’examine de près, on voit que l’avantage revient encore à nos voisins, au moins en ce qui concerne les trois quarts du pays. Seulement leur supériorité était moins marquée sur ce point que sur les autres avant 1848, et c’était là la partie la plus faible de leur organisation rurale. Sur quelques points du territoire, le mal était sérieux et profond, et il menaçait de le devenir pour le reste.

Quand on cherche à se rendre compte de la répartition des salaires avant 1848, soit en France, soit dans les diverses parties du royaume-uni, on trouve, en laissant pour le moment l’Ecosse de côté à cause des phénomènes particuliers qu’elle présente, qu’en Angleterre on ne consacrait aux salaires que le quart environ du produit brut, soit l’équivalent de 50 francs par hectare ou à peu près, tandis qu’en France et en Irlande on en employait la moitié, soit encore 50 francs par hectare ou l’équivalent ; mais le revers de la médaille n’est pas loin, c’est le nombre des travailleurs exigé de part et d’autre pour la production. En Angleterre, ce nombre avait été réduit autant que possible ; en France, il était déjà beaucoup plus grand, et en Irlande beaucoup plus encore ; voici quel était approximativement le chiffre de la population rurale dans les trois pays :


millions d’âmes population totale
Angleterre 4 16
France 20 35
Irlande 5 8

D’où il suit que la population rurale formait en Angleterre le quart seulement de la population totale, en France les quatre septièmes, et en Irlande les deux tiers ; la répartition sur la surface du sol donnait les résultats suivans : Angleterre, 30 têtes par 100 hectares, France, 40 têtes, Irlande, 60.

Tout s’explique par le rapprochement de ces chiffres. Bien que l’Angleterre n’employât en salaires que l’équivalent de 50 francs par hectare, tandis que la France et l’Irlande en employaient autant, le salaire effectif devait être plus considérable en Angleterre qu’en France et en France qu’en Irlande, parce qu’il se répartissait sur un moindre nombre de têtes.

Nous pouvons en même temps y trouver la mesure de l’organisation du travail dans les trois pays : en Angleterre, 30 personnes suffisaient pour cultiver 100 hectares et leur faire rapporter l’équivalent de 200 francs par hectare, tandis qu’en France il en fallait 40