Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 1.djvu/920

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pas en général à compliquer leurs moyens de production. Deux seules ont échappé à cette exclusion, le houblon en Angleterre, et en Irlande le lin. Là où ces deux plantes sont cultivées, elles le sont avec un grand succès. La récolte du lin atteint en Irlande une valeur de 1,000 fr. l’hectare ; mais elle ne s’étend que sur 100,000 acres ou 40,000 hectares. Le houblon est un produit plus riche encore, mais qui ne s’obtient que sur 20,000 hectares environ.

Les jardins et vergers occupent relativement beaucoup moins de place qu’en France, et leurs produits sont loin de valoir les nôtres. Les Anglais mangent en général peu de légumes et de fruits, et ils ont raison, car les uns et les autres sont chez eux sans saveur. Tout se concentre, dans leur régime alimentaire comme dans leur production, sur un petit nombre d’articles obtenus avec une extrême abondance.

Comme pour les produits animaux, la France peut invoquer un certain nombre de cultures à peu près inconnues chez nos voisins, et dont les produits viennent s’ajouter chez nous à ceux des cultures similaires. Telle est d’abord la vigne, cette richesse spéciale de notre sol, qui ne couvre pas moins de 2 millions d’hectares et ne produit pas moins de 250 francs par hectare ; tels sont encore le colza, le tabac, la betterave à sucre, la garance, le mûrier et l’olivier ; tels sont enfin les jardins et vergers, qui ne comprennent pas moins d’un million d’hectares et d’où sortent en abondance des fruits, des légumes et des fleurs. Tous ces produits réunis ont une valeur annuelle d’un milliard au moins.

Ce sont là des trésors incontestables qui rachètent en partie notre infériorité, et qui pourraient la racheter plus encore, car leur avenir est indéfini. La diversité de nos climats et, mieux encore, notre génie national, qui tend naturellement à la qualité dans la vérité, comme le génie anglais à la quantité dans l’uniformité, nous promettent des progrès immenses dans ces cultures, qui tiennent de l’art. Nous sommes loin d’avoir dit notre dernier mot à ce sujet, et nos ouvriers ruraux, comme nos ouvriers d’industrie, peuvent compenser de plus en plus par la perfection et l’originalité ce qui nous manque pour la masse des produits. L’art de l’horticulture, qui crée de si grandes valeurs sur une petite étendue de terrain, doit, en se répandant, accroître beaucoup nos richesses ; il en est de même des procédés perfectionnés pour la fabrication des vins et eaux-de-vie, pour la production du sucre, de la soie, de l’huile, etc.

Cependant il est impossible de se dissimuler que, dans l’état actuel des choses, avec leurs deux ou trois cultures appliquées en grand, les Anglais obtiennent, par la généralité et la simplicité des moyens, des résultats d’ensemble bien supérieurs, résultats que nous obtenons nous-mêmes dans les parties de la France qui suivent les mêmes