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commencé. Pendant que l’un enseignait à tirer des animaux le meilleur parti possible, l’autre apprenait à en nourrir la plus grande quantité possible sur une étendue donnée de terrain. De grands propriétaires, que d’immenses fortunes ont récompensés de leurs efforts, favorisaient la diffusion de ces idées en les pratiquant eux-mêmes avec succès. C’est alors que le fameux assolement quadriennal, connu sous le nom d’assolement de Norfolk, du comté où il a pris naissance, a commencé à se propager. Cet assolement, qui règne aujourd’hui avec quelques variantes dans toute l’Angleterre, a transformé complètement les terres les plus ingrates de ce pays et créé de toutes pièces sa richesse rurale.

Je ne referai pas ici la théorie de l’assolement, qui a été faite cent fois. Tout le monde sait aujourd’hui que la plupart des plantes fourragères, puisant surtout dans l’atmosphère les élémens de leur végétation, ajoutent au sol plus qu’elles ne lui prennent, et contribuent doublement, soit par elles-mêmes, soit par leur transformation en fumier, à réparer le mal fait par les céréales et les cultures épuisantes en général ; il est donc de principe de les faire au moins alterner avec ces cultures ; c’est ce que fait l’assolement de Norfolk. De grands efforts ont été tentés aussi en France, dès le commencement du siècle, par des agronomes éminens, pour y répandre cette pratique salutaire, et des progrès réels ont été accomplis dans cette voie ; mais les Anglais ont été beaucoup plus vite que nous, et par là s’est accru sans cesse entre leurs mains ce précieux capital de fertilité que tout bon cultivateur ne doit jamais perdre de vue.

Près de la moitié du sol cultivé a été maintenue en prairies permanentes ; le reste forme ce qu’on appelle les terres arables et est divisé en quatre soles, d’après l’assolement de Norfolk : — 1re année : racines et notamment navets ou turneps ; — 2e année : céréales de printemps (orge et avoine) ; — 3e année : prairies artificielles (notamment trèfle et ray-grass) ; — 4e année : blé.

Depuis, on a généralement ajouté une année à la rotation en laissant les prairies artificielles occuper la terre pendant deux ans, ce qui rend l’assolement quinquennal. Ainsi, sur une terre de 70 hectares par exemple, 30 seraient en prairies permanentes, 8 en pommes de terre et navets, 8 en orge et avoine, 8 en prairie artificielle de première année, 8 en prairie artificielle de seconde année, et 8 en blé. Dans les parties du pays les plus favorables à la végétation herbacée, la proportion des prairies est encore accrue, et celle du blé réduite ; dans celles qui ne se prêtent pas autant à la végétation des racines et des prés, on substitue aux turneps les féveroles, et on étend les soles de céréales aux dépens des autres récoltes, mais dans l’ensemble ces exceptions se compensent à peu près, au moins pour la Grande-Bretagne. En Irlande, tout est différent : la culture des navets