rencontrer dans un ouvrage dicté par le sentiment chrétien. Où est l’intérêt en effet, si l’on ne nourrit pas contre la foi d’inimitié cachée, de signaler quelques faibles raisons, qui, mêlées à d’excellentes, peuvent contribuer à la défendre, à la propager, à l’affermir ? Une rigueur excessive à l’égard des moyens de la cause ne trahit-elle pas plus que de l’indifférence pour la cause même ? Que faut-il désirer après tout dans ces temps de péril ? N’est-ce pas que l’humanité croie ? et qu’importe comment la croyance est obtenue ?
Je pourrais répondre en me couvrant de grands exemples, dont quelques-uns sont sacrés. Combien de docteurs chrétiens, dans leur sévérité consciencieuse, n’ont pas voulu souffrir une adultère alliance de la vérité et de l’erreur, et, au risque de perdre quelques bonnes semences, ont passé au crible les plus pieuses théories ! La doctrine du christianisme doit être ce métal pur qui, éprouvé par le feu, reste au fond du creuset. Je pourrais ajouter que, malgré des apparences dont on fait grand bruit, les temps d’empire de la philosophie ne sont pas tellement éloignés, qu’il soit indifférent de souffrir la confusion de la bonne avec la mauvaise, et d’encourager des systèmes qui ne laissent à l’intelligence humaine aucun milieu entre la foi absolue, toujours rare comme une grâce spéciale, et des doctrines de pyrrhonisme qui dégradent la conscience et la raison. Quand on pense avec Descartes et Leibnitz, avec saint Thomas et Bossuet, qu’il y a des vérités communes à la science et à la religion, vérités que la première démontre à la raison comme la seconde les révèle à la foi, c’est un devoir envers la vérité que de défendre le droit et le nom de la philosophie contre tout effort pour l’ébranler dans ses fondemens et pour la diffamer dans son honneur. Aucun de ces motifs ne m’est étranger et ne me trouve insensible, je l’avoue ; mais il en est d’autres encore, et dont l’importance est plus grande pour la société et pour l’église. Ceux-là, je les dirai sans détour.
La raison par elle-même ne saurait atteindre à la vérité : voilà le principe absolu qu’au mépris des autorités les plus augustes, des antécédens les plus respectés, on veut placer au centre des sciences, appuyées toutes sur le principe contraire. Si l’on en croyait les nouveaux Tertulliens, ce principe unique serait toute la philosophie qui resterait à l’esprit humain, et cette philosophie serait rigoureusement identique au scepticisme universel ; elle ferait donc crouler sur leurs bases toutes les croyances, et, selon moi, toutes les vérités que l’esprit humain s’est conquises par ses propres forces, non pas seulement depuis soixante ans, mais depuis trois siècles. Ce n’est point par accident ni caprice, c’est par une conséquence naturelle, irrésistible, que la réaction, renversant tout sur sa route, est remontée jusqu’au moyen âge. Comme un conquérant vaincu, l’esprit humain, dans cette