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religieux comptent jusqu’au mahométisme. À la diversité des écoles on opposerait la diversité des sectes, et peut-être verrait-on qu’il faut s’en prendre de ces tristes variations moins aux doctrines qu’à la nature de l’esprit humain. Pour raisonner régulièrement, il faudrait, par exemple, comparer la foi catholique, non assurément sous le rapport de la vérité, mais sous celui de la stabilité, à une doctrine déterminée. Et pour ne pas choisir la meilleure, l’épicuréisme, par exemple, a-t-il beaucoup changé ? Je ne sais, mais rien ne se ressemble plus, pour la manière de raisonner de Dieu et de l’homme, que la doctrine d’Épicure ou même de Démocrite et celle des écoles sensualistes qui la représentent chez les modernes. Rien n’est changé, excepté les noms. En insistant trop sur ces réflexions, je laisserais croire que je ne vois, en effet, aucune différence, au point de vue de la fixité et de l’autorité, entre la religion et la philosophie, quand je veux dire seulement qu’il ne faut pas exagérer cette différence à l’aide d’un paralogisme. Seconde observation. On fait valoir quelquefois l’argument de la perpétuité du catholicisme, en telle sorte qu’il se réduit à dire que l’église catholique est encore catholique. Si sa perpétuité avait été de fait combinée avec l’universalité, si les hérésies n’étaient pas sorties de son sein, on pourrait prétendre qu’elle ne s’est jamais divisée. Mais ses divisions à elle ce sont les hérésies, et il serait trop commode de faire abstraction des sectes qui s’en sont séparées, pour ne considérer que les fidèles qui sont restés dans son sein, et conclure qu’elle n’a connu ni variations, ni discordes. Ce serait un truisme que de dire que le catholicisme est invariable chez les catholiques qui n’ont pas changé. Il a changé apparemment chez tous les catholiques qui sont devenus grecs, luthériens, calvinistes, déistes, incrédules. Cette observation d’une puérile évidence a pourtant été incessamment négligée.

Voici, ce me semble, en quoi est fondé un argument qu’il faut limiter mais non proscrire. D’abord la religion, par sa nature même, a plus d’autorité que la philosophie. Par les sentimens auxquels elle s’adresse, par les formes qu’elle emploie, par le langage qu’elle parle, par le salutaire effet de la crainte et de l’espérance, elle donne aux dogmes qu’elle enseigne et aux préceptes qu’elle en déduit plus d’empire, de solidité, de popularité. La foi qu’elle inspire est donc plus forte, plus stable, plus transmissible que la conviction philosophique. Si l’on sort des généralités, il sera facile de montrer que ces avantages appartiennent éminemment à l’église catholique, et d’établir par sa constitution et son histoire qu’elle est particulièrement propre à s’emparer de l’indocilité du cœur et de l’esprit humain. De là à opposer sa force de conservation à l’instabilité des choses du monde, l’ordre intérieur qu’elle peut maintenir autour d’elle quand