la prêche aujourd’hui, affirme après avoir nié, se joue des objections dont elle s’est servie, et qu’après avoir poussé au doute, elle rappelle à la croyance. Si l’on a suscité ou développé le mal, on apporte le remède. Les sentimens qu’on a excités tournent au profit des idées qu’on veut inspirer. Le découragement ramène à la foi. En affaiblissant dans la raison le ressort de la conviction, on augmente parfois dans les cœurs le besoin de croire. Pascal n’a pas caché combien il trouvait puissante cette manière de gagner les âmes, et l’on a pu dire : Faites cent sceptiques, vous ferez cinquante croyans. — Je ne les appelle pas tout à fait des chrétiens, parce que ce titre convient à une foi assise sur des fondemens plus fermes et d’un ordre plus élevé.
Le temps où nous vivons est singulièrement favorable à l’art de prendre les hommes par le découragement. Les traditions de toutes sortes sur lesquelles s’appuyaient les sociétés modernes ayant été, depuis la fin du siècle dernier, ébranlées, il est devenu nécessaire, quand même ce n’aurait pas été le goût général, de leur donner, par voie d’examen et de recherche, de nouvelles institutions, presque de nouvelles mœurs. Il a fallu tenter de transformer des opinions en coutumes. C’est la raison moderne qui a entrepris de reconstituer la société, et avec tout le respect qu’on lui doit, on est forcé de lui dire que jusqu’à présent elle a médiocrement réussi. Il y a eu de grandes tentatives et de petits succès. De là d’innombrables déceptions. La faiblesse et le scrupule, l’honnêteté et le préjugé, l’intérêt qui se donne pour la vertu, la peur qui se fait passer pour la raison, jettent des masses entières dans une aveugle réaction contre des idées dont on désespère pour en avoir trop espéré. En France surtout, où l’on croit que pour être logique il faut être extrême, on se lance dans un pyrrhonisme illimité. C’est à l’aide d’une disposition semblable qu’au commencement de ce siècle, des écrivains distingués crurent pouvoir rétablir le passé tout entier dans la croyance sociale, et essayèrent la restauration morale de toutes les sortes d’ancien régime, la religion comprise, qu’ils semblaient considérer surtout du côté de la politique. On peut douter que ce mélange de ce qui est consacré à l’éternité avec des établissemens de leur nature périssables ait été heureusement conçu, et l’église a paru, depuis quelques années, vouloir s’affranchir d’une importune solidarité ; mais elle n’a eu garde de renoncer à employer pour une fin spirituelle les besoins moraux d’une société souffrante. Nous parcourons une période qui présente quelques analogies avec le début de ce siècle. Plus que jamais les gémissemens se font entendre depuis dix à douze ans sur l’état anarchique des intelligences. On a encore propagé, envenimé ce mal en le déplorant. Dans ces dernières années, les événemens,