comme quelque chose de vide, de neutre entre le faux et le vrai, n’ayant ni lois, ni principes, aucun rapport préétabli avec la vérité, — comme une pure capacité d’être affecté d’une manière accidentelle, et de tirer tout au plus de ses sensations des inductions arbitraires, — en un mot comme une succession fortuite de phénomènes. Si l’esprit humain est cela, s’il est incapable de connaissances absolues, s’il n’y a point pour lui de vérités nécessaires, s’il n’a point en lui de principes primitifs qu’il découvre en les appliquant, mais qu’il ne crée pas à posteriori, s’il n’est pas dans un certain rapport avec les choses, s’il n’a pas l’idée légitime de l’universel, s’il n’est pas en harmonie avec le principe de toute intelligence, si la raison n’est pas en quelque participation de la raison infinie, alors, j’en conviens, c’est une insigne outrecuidance que de chercher la vérité avec nos facultés. Chercher est absurde ; il n’y a pas moyen de trouver. L’homme est en dehors de tout ; il est dans un isolement complet, dans une indépendance absolue ; il n’a de rapport avec quoi que ce soit au monde. Mais alors pourquoi nous arrêter ? A quoi bon la révélation ? Nous ne sommes plus même en état de la comprendre. Oui, pour un tel être, pour une intelligence ainsi faite, l’être infini sortirait vainement de la lumière inaccessible ; et quand, apparaissant sous la forme ineffable que la foi n’ose décrire, il parlerait encore à l’homme ainsi qu’à un ami, sa miséricorde s’abaisserait vainement jusqu’à sa créature, il n’en serait pas entendu, ou du moins, entendu par les sens, il ne persuaderait pas l’esprit ; il n’y ferait point pénétrer la lumière de la vérité incréée, s’il ne recommençait la création, s’il ne repétrissait le limon primitif et ne l’animait d’un nouveau souffle. Mais ce n’est point là l’homme fait à l’image de Dieu.
Quand nous prononçons ces nobles paroles, titre immortel de noblesse de l’humanité, nous entendons qu’il brille dans l’homme un rayon de la lumière infinie ; nous croyons, non pas seulement en chrétiens, mais en philosophes, que le Verbe illumine tout homme venant au monde, ou, pour parler le langage d’une prosaïque science, que la raison est la faculté de la vérité, et qu’il y a de la vérité en elle : faculté qui n’est pas infaillible, en qui toute la vérité n’est pas, — vérité cependant ; et quand, depuis Descartes et même avant Descartes, on a dit que l’homme devait rentrer en lui-même pour chercher la vérité, on a toujours compris que c’était y chercher ce que Dieu y avait mis. Je n’exclus pas assurément la révélation surnaturelle, et il était digne de vous de recueillir et de donner les raisons qui rendent tout au moins très difficile de concevoir sans elle le commencement de l’humanité ; mais je dis que cette révélation elle-même n’était possible et efficace qu’à la condition d’une révélation antérieure qui est la nature même de l’homme. Et qu’est-ce